Dégradation du cadre de vie a Azemmour

Les poches vides a l’intérieur de son ancien tissu urbain sont devenues des dépotoirs. Le cadre urbain s’est nettement dégradé dans la ville d’Azemmour, a telle enseigne que cette cité, jadis qualifiée de coquette, ressemble aujourd hui a un grand bourg mal géré, nécessitant une opération de sauvetage pour lui restituer sa vraie dimension a la mesure de son histoire et de sa vocation culturelle et touristique.

La cité de Moulay Bouchaïb Erreddad a beaucoup perdu de son charme a cause d’une urbanisation effrénée et souvent irréfléchie, a laquelle vient s’ajouter l’absence d’une stratégie d’aménagement et d’entretien du bâti. Il faut souligner dans ce cadre, qu Azemmour est a la traîne en matière de restructuration du tissu urbain par rapport aux autres villes. Aucun de ses quartiers, qu ils soient anciens ou nouveaux, n’échappe a ce constat a la fois amer et désolant pour une ville qui est en train de perdre de sa fonction de ville-modèle. Les poches vides a l’intérieur de son ancien tissu urbain sont devenues des dépotoirs sans déranger ni les élus, premiers concernés par l’hygiène du milieu, ni les pouvoirs publics.

Les nouveaux lotissements, créés dans le prolongement de l’ancien tissu urbain, offrent, eux aussi, une image aussi lugubre que repoussante. Les opérations d’amélioration urbaine qui ont été lancées pour corriger les dysfonctionnements dans l’ancienne cité n’ont été en réalité que «de la morve sur le maquillage» et demeurent dérisoires compte tenu de l’ampleur de la dégradation du cadre de vie. Le bitumage des routes, la réfection des trottoirs et l’entretien des espaces verts et des places publiques nécessitent d’importants moyens qu il faudra trouver en ces temps de disette pour les uns et d’embellie financière pour les autres.

Pis encore, l’ancienne médina d’Azemmour, dépositaire d’un passé historique millénaire, a perdu quelques atouts de son équipement socio-spatial originel. Ainsi plusieurs édifices historiques, qui constituent des bâtiments de valeur et disposant de statuts privilégiés tels que «la capitainerie», «Bordjs», «Dar El Kadi», portes de bastions, citadelle portugaise, passages couverts et des arcades, sont désaffectés et subissent une dégradation totale. Il en va de même pour les anciennes maisons qui ne sont plus habitées par les familles d’origines et qui sévissent parfois les effets de l’indivision des héritiers. Le processus de délabrement est général et touche tous les édifices historiques de l’ancienne médina. Par conséquent, le paysage de cette cité historique ne transmet plus de message culturel, il devient ainsi anachronique, se dégrade et se marginalise.

En plus, la médina d’Azemmour a connu un abandon de métiers traditionnels tels que tisserands, fileuses, cordonniers, tanneurs, forgerons, poteries et travail du bois. Actuellement plus rien ne reste de ce que fut la renommée d’Azemmour sauf quelques rares métiers (tisserands et broderie). Par conséquent, nombreux sont les habitants qui estiment qu un cadre de vie attrayant et agréable peut être un facteur, parmi d’autres, de développement du tourisme, d’autant plus que la ville pourra être un pôle d’excellence lorsque la station touristique Mazagan ouvrira ses portes. Mais, veut-on vraiment qu Azemmour soit en mesure d’assumer cette mission ? Cela, évidemment, dépendra du génie des décideurs et d’autres acteurs influents dans la vie locale.

Le manque chronique de loisirs

La ville d’Azemmour a toutes les potentialités pour assumer un grand rôle dans le développement du secteur touristique. Le cadre naturel enchanteur des sites balnéaires (El Haouzia), des monuments historiques et la situation géographique font de cette ville un lieu idéal pour le tourisme et mérite largement l’escapade. Supposons que les touristes affluent sur Azemmour, que leur proposent concrètement les structures touristiques de la ville aujourd hui ? Aucune infrastructure de base ! Il n’y a aucun hôtel où un touriste peut passer quelques jours a Azemmour a l’exception de quelques maisons d’hôtes telles que l’Oum Errebia et Azama. Il est de même pour la restauration. Il n’existe aucun restaurant digne de visite et qui peut donner envie aux touristes d’apprécier un service de qualité, une cuisine de choix… Il n’y a aucun lieu de promenade où le visiteur peut se fondre dans la population et acheter quelques objets de souvenirs de la ville a part un soi-disant complexe d’artisanat où quelques téméraires artisans luttent de toutes leurs forces pour perpétuer l’art traditionnel.

Pis encore, Azemmour souffre d’un manque chronique de loisirs dignes de ce nom, c’est-a-dire des lieux décents et chaleureux, car a part les cafés, ultime refuge de la majorité des visiteurs et des habitants, il n’y a pas d’autres lieux où aller. De la, l’intérêt et la nécessité d’imaginer de nouvelles formules d’animation adaptées aux besoins spécifiques des visiteurs et de la population locale comme par le passé. Azemmour était toujours une source d’inspiration et de création poétique et littéraire pour un grand nombre de penseurs et écrivains. On espère revoir la cité historique, modèle de tous les temps, refuge d’éminentes personnalités intellectuelles, telles que Roland Barthe, Michel Foucault, Abdallah Laroui et autres et lieu de diverses activités culturelles et artistiques d’autrefois.

Abdelmajid Nejdi
Le Matin

Auteur/autrice