Délectation: traduction de la Qacida de Melhoune “Zhou”

Ecoute la description des filles en diadème.
Leur splendeur m ensorcelle et me rend blême !
Sublime beauté anéantit sans pitié !
Lançant des rafales de brindilles d’osier.
Se déhanchant drapées de senteurs et de lances,
Tel un vaisseau de corsaire qui s’élance.
La nuit se mire sur les noires chevelures,
Se jette a l’assaut du crépuscule en pâture.
Le jour affaisse ses ailes fracassées,
Dans l’obscurité tel chevalier blessé.
Ou duvet de corbeau en cours de pesée.
Terrassant un archer par Dieu pulvérisé,
L’abandonnant noyé dans des flaques de sang ;
Les chevelures arpentent tel serpents
Et réverbèrent les joues de rouge lampant.

Et scintille sous la chevelure le front !
Tel Saturne ou plutôt Soleil de plomb !
Des cils et des sourcils jaillissent des lances
Qui accentuent de mon cœur la souffrance !
Et les yeux ensorceleurs et accapareurs
M assaillent me pourfendent et me laissent rêveur !
Leurs tirs surpassent les fusils de « Freeman »
Des pommettes un feu si ardent émane !
Seraient-ce des rayons d’or qui se meuvent
Ou blanc ivoire qui dans le sang s’abreuve ?!
Le nez, aigle impérial entre fleurs et or,
Entre musc et verres de vin haut le corps !
Les bouches, havres de perles et de corail!
Leurs eaux suaves me troublent et m assaillent.
Les dents comme giboulées de grêle déferlent.
Les cous me rappellent troupeaux de gazelles.
Sur les hauteurs alertes guettant les chasseurs
Où paons ottomans dans leur splendeur.
Sous les robes d’une beauté légendaire
Les épaules émettent de fulgurants éclairs.
c’est bien le glaive de Moulay Abderrahman !
Mais les poitrines ! Marbre royal et idoine
Arborant des pommes et des grenades,
Des coings et des oranges de si belle mine !
Les tatouages ! Calligraphie de Tlemcen !
Un docte barbier y a dessiné des chaînes.

Et les ventres que surplombent les nombrils
Où six plis et replis accentuent mon péril,
Tel un autre sein que yeux ne sauraient voir !
Le soustraire aux regards hagards est un devoir !
Mais les cuisses ! Des arcades de Carthage
Où des aloses qui accentuent ma rage ;
Les mollets ! Quelle splendeur ! Quelle vigueur !
Beurre et fraîcheur sur ordre du seigneur !
Leur rouge écarlate transperce les cœurs.
Si fines sont trois d’entre elles et trois charnues
Trois élancées, trois sveltes et trois bien menues.
Trois sont brunes et trois ont la peau blanche !
Ecoute-moi bien et que ton cœur s’épanche !
Et trois autres bien grasses et bien potelées,
Mais trois autres sont si sveltes et bien moulées !
Ah! Les poitrines! Oh! Les fronts! Ah! Les yeux d’amande!
Ces bouches rondes et ces nez qui me pourfendent!
Mais leurs cous et leurs chevelures si longues.
Les seins menus, l’allure fière me haranguent !
Quelle joie ! Je suis au comble du bonheur !
Pupilles, pommettes et dents quelle blancheur !
Noirs, les iris, les sourcils et les chevelures,
Roses, les joues et les langues qui fulgurent !

Criaient les tailles, les ventres et les bassins,
Mais de pierre sont les poitrines et les seins !
Yeux, joues et paumes d’une splendeur extrême !
Telle est ma description des filles aux diadèmes.
Comme leurs voix sont bien timbrées et si douces,
Si pleines de bon sens st de noble source,
Elles portent de belles toilettes et des couronnes
Aux valeurs que Chine et Inde ne soupçonnent !
Et que détiennent corsaires qui arraisonnent !

N oublie pas de t enivrer de cette jeunesse
Bien née, éduquée et pleine de noblesse.
Etoiles célestes inondent de lueurs
Leurs ceintures et boucles d’oreilles a toute heure
Où tous les anneaux sont sertis de diamant.
Les belles tenues de soie portées fièrement
Aux couleurs écarlates et sultanesques,
Les kaftans boutonnés, on ne voit rien presque
Cordons, galons de coton, nattes et tresses
Ornent leurs têtes baignant dans l’allégresse.
Ne rappellent-elles pas les branches d’osier
Ou du paon, la roue dans jardin princier,
Ou bouquet de fleurs aux couleurs rutilantes !
Enivre tes yeux de la beauté des baccantes !
Laisse les mules vautrées dans leur turpitude.
Ces scélérats méritent la décrépitude !


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