Doukkala : Fragments d’histoire et du patrimoine

Doukkala est une des riches régions de cette nation marocaine riche en histoire et en civilisation. Avant la subdivision en Doukkala (Province d’Al-Jadida) et Abda (Province de Safi) puis la réunification actuelle en Région Doukkala- Abda, Doukkala fut une seule région limitée par les Chaouias au Nord et a l’Est et s’étendait au Sud jusqu au fleuve Tensift.

Berbère de pur sang, Doukkala va être en partie et progressivement peuplée par des tribus arabes que les sultans marocains (surtout sous les Almohades et les Sa adiens) avaient installées sur les axes de commerce et les routes du sultan ainsi qu autour des grandes villes telles Marrakech, Fès, Oujda et Rabat. Raison de plus, les Berghouata avaient fait de Doukkala et Chaouia l’Etat Major d’un Etat qui voulait répandre une lecture singulière de l’Islam. Leur Emirat s’étendait géographiquement de Bouregrerg au Tensift et historiquement du VIIIème siècle a la moitié du XIIème.

La majorité des villes de ce grand Doukkala furent fondées bien avant l’arrivée de l’Islam. En revanche, l’époque islamique et surtout les empires marocains des Almoravides aux Alaouites vont gratifier cette région par des fondations de grande valeur historique, architecturale et architectonique. En témoigne, les villes d’Azemmour, Safi et Tnine Al-Gharbia, les Kasbah de Boula ouane et Oualidia, les Ribats de Tit (Moulay Abdallah), d’Agouz (Souira Leqdima ou Souiria) et d’Al Moujahidine. Quant a la préhistoire, Doukkala a de quoi s’enorgueillir avec les inégalables sites de Jbel Ighoud (Province de Safi) et les Grottes d’Al-Khenzira (Province d’Al-Jadida) qui ont d’ailleurs tant apporté a notre connaissance de la préhistoire marocaine, tant en échantillon humain qu en outillage lithique.
Gratifiée par Dieu par une terre fertile, sauf pour l’olivier, et par des plages attachantes le long d’environ trois cent km, l’histoire n’a pas manqué d’ennoblir notre grand Doukkala par le passage de grands façonneurs de l’histoire humaine. Les Berbères autochtones d’abord, les Arabes avec l’arrivée de l’Islam et toutes les Dynasties marocaines passant par le passage immortel et immortalisé des Portugais.

A Doukkala- Abda, nous regardons et touchons des monuments et nous sentons l’âme grandiose de quelques gros calibres de l’histoire du Maroc tels Ali ben Youssef l’Almoravide, Ya qoub Al-Mansour l’Almohade, Moulay Abdelmalek le Sa adien et les Alaouites Moulay Isma il, Sidi Mohamed ben Abdallah, Moulay Abderrahmane, Mohamed V entre tant d’autres.

Si Doukkala est donc riche en patrimoine préhistorique et islamique, les Portugais ont beaucoup marqué sa carte patrimoniale. Ayant signé des accords de suzeraineté avec les notables d’Azemmour et Safi respectivement en 1486 et 1488, le Portugal occupe Mazagan en 1502, Agouz en 1506-1507, Safi en 1508 et Azemmour en 1513. Les deux dernières furent libérées en 1541, Agouz vers 1525 et Mazagan le 11 Mars 1769. Durant cette période d’occupation, les Portugais avaient construit de toute pièce le Castelo do Mar a Safi et la forteresse de Mazagan sur un noyau berbère. Dans les Médinas d’Azemmour et Safi ils ont réadaptés l’existant a leur besoin, comme ce fut le cas a Ceuta, Tanger, Asilah et Qsar Seghir.

A Doukkala- Abda nous lisons l’amertume d’une époque éphémère de régression d’une nation qui sait faire un pas en arrière pour deux en avant. Notre région illustre très bien l’hégémonie portugaise entre le XV ème et XVIII éme siècles. Mais elle nous rappelle également, en plus de la libération de la majorité des villes et la mémorable victoire de la Bataille des Trois Rois, la Libération spectaculaire de Mazagan, la ville que les Portugais chérissaient au même titre que Lisbonne a tel point qu ils iront au Brésil fonder sur l’Amazone Vila Nova de Mazago. Mazagan fut le signe de l’orgueil portugais, elle est devenue l’orgueil des marocains. Son libérateur n’était autre que le grand bâtisseur, le père spirituel de la Diplomatie marocaine, le pionnier des batteries et de la marine marocaine et le premier leader au monde a avoir reconnu l’Indépendance des Etats-Unis d’Amérique, l’intellectuel et Grand Sultan Alaouite Sidi Mohamed ben Abdallah (1757-1790), petit-fils du Grand Sultan que les grands empires du monde craignaient, l’éternel Moulay Isma il (1672-1727).

Par conséquent, notre région de Doukkala est un témoin tangible de la compréhension entre les grandes nations et de la cohabitation entre les gens de confessions différentes. Si les Chrétiens ont pratiqué leur culte sur cette terre en tant qu envahisseurs, les Juifs et les Musulmans, tous des Marocains, ont vécu comme partout au Maroc dans un climat sain d’amitié et de respect mutuel. Après le départ des colons et l’émigration des Juifs marocains, leurs lieux de culte ont été préservés jusqu a nos jours.

Les habitants de Doukkala sont aujourd hui fiers du patrimoine luso-marocain sur leurs terres au même titre que les portugais eux-mêmes. Les monuments que les portugais avaient élevés a Safi, a Azemmour et a Al-Jadida constituent une partie de l’âme des marocains et des portugais en même temps. Les deux nations qui ont appris a se respecter durant cette phase allant du XV ème au XVIII ème siècles, passant par la Bataille des Trois Rois (04-8-1578), ont également appris a regarder le passé avec l’œil des grands et des intelligents. Une histoire commune en Andalousie du VIII ème au XIV ème s’est poursuivie après, autrement, sur la rive sud de la Méditerranée, ce Bassin de civilisation a qui les deux nations avaient, conjointement et séparément, tant apporté.

Par amour au patrimoine et au Doukkala, nous promettons aux lecteurs de revenir en détail sur les composantes du patrimoine architectural de cette région.
A.C

Par : Aboulkacem CHEBRI
Archéologue restaurateur
Directeur du Centre du Patrimoine Maroco-Lusitanien
Al-Jadida (Maroc)
e-mail : [email protected]

Photos au crédit de l’auteur

Aboulkacem CHEBRI
Eljadida.com

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