El Jadida : Projets juteux et devastateurs

Si on demandait a un citoyen du genre petit affairiste : «Quel type de projet as-tu en tête ?» , il vous répondrait automatiquement et en premier lieu : “Un café ! c’est mon rêve”.

«- Mais savez-vous que le BLED (la ville d’El Jadida) est noyé de cafés !
– Et alors ? Je ferais quelque chose de plus confortable et de plus grand. Avec quatre ou cinq salles et une véranda. Voire même une terrasse !»
N y a-t-il pas une réglementation au niveau des institutions éthiques en vue d’arrêter ce massacre et de mettre fin a la dénaturation du paysage en général? Déja des villas, des ateliers et des magasins se sont transformés en cafés.

Combien ça co»te pour monter un projet pareil ? Jugez-en et ne soyez pas choqués. Car la fourchette varie entre 3 et 5 millions de nos dirhams.
A qui revient la part du lion de ces projets infaillibles ?

S»rement pas au citoyen. Ni même a l’Etat. Des gens, a l’étranger, se frottent les mains de voir tomber des fortunes dans leurs caisses : 80 % des accessoires du café sont achetés a l’étranger a coup de devises. Y compris la machine principale (pressa) qui co»te une fortune.
L’hémorragie ne s’arrête pas la ! Car il faut importer du café a grain, le cacao, le thé au prix fort et en grande quantité. A quoi sert un «café» et dans quel secteur socio-économique est-il classé?

Vous me direz que le «café» est fait pour inciter a la consommation, mais est-ce vraiment un besoin vital pour le jdidi ? Ce besoin futile est un mélange de plaisir tordu et de passe-temps pour les paresseux. Une sorte de refuge pour les blasés et les déçus de la société. On y va pour «pomper un chicha», fumer plus de cigarettes et siroter un jus de chaussette partagé entre les mouches et les clients.

On pourra vous objecter que le «café» est une source d’embauche pour les jeunes. Mais quel travail que celui de ramasser les mégots, d’allumer le charbon pour le chicha ! . Ce salarié finira par abandonner ce job insignifiant et mal rémunéré. Quelle est la position des responsables par rapport aux demandeurs de «projets-cafés» dont les propriétaires peuvent même bénéficier d’un prêt d’une banque très avantageux ?
Ces lieux mystiques finissent par être des gargotes insalubres où règnent un brouhaha permanent et une fumée stagnante, source d’infections et de maladies.

A combien s’élèvent les frais de fonctionnement d’un café ? c’est énorme et il faut le régulariser en devises. Pour gagner quoi en fin de compte ? Absolument rien ! Sauf cette image médiocre de quelques personnes inactives et nonchalantes.

Notre ville d’El Jadida se transforme en agglomérations cernées par des cafés. Même dans les quartiers résidentiels, a la campagne, sur les terrasses, dans les sous sols, dans les jardins, au bords des routesLe danger est la ! Toute une jeunesse, alléchée par l’arôme et attirée comme des abeilles, ne compte plus le temps perdu et se laisse bercer par cette atmosphère toxique pour fuir la responsabilité et le devoir de tout citoyen conscient.

Actuellement, on satisfait les caprices d’un footballeur où d’un RME par l’octroi d’une autorisation de monter son «café» et l’argent coule a flots.
A quand une législation limitant le nombre croissant des «cafés» qui saignent notre économie et, a petit feu, notre jeunesse et notre capacité de faire autre chose.

Lekhiar El Mostafa
AlBayane

Auteur/autrice