Hommage a Abdelkébir Khatibi, par Maria Zaki

Je voudrais témoigner a mon tour de l’importance qu avait et qu aura toujours dans ma vie et dans mon écriture – comme dans celles de nombreux écrivains marocains, jeunes et moins jeunes – mon mentor et mon ami, feu Abdelkébir Khatibi. Pour éviter de parodier ses autres amis, je ne ferai pas l’inventaire de toutes les qualités de cet homme hors du commun, ni tout ce qu il m a si généreusement appris et apporté, au travers de nos entretiens et de notre correspondance. Je dirai simplement qu il avait le sens du partage et du don comme peu de gens, et cultivait l’art de l’Altérité comme personne. Je préfère néanmoins m exprimer par un modeste poème. Puisse-t-il l’entendre depuis sa nouvelle demeure, quelque part la-haut dans le paradis !

Lundi
L’aube se cherche
Et ne se trouve pas
Des anges errent dans
L’atmosphère
De la ville de Rabat
Et mon cœur pleure
Te pleure
Dans l’ombre qui marche
Sur la scène intellectuelle
De mon pays
Que plus jamais
Tu n’éclaireras !
Si aujourd hui
Tu viens de vêtir
Ton dernier costume de scène
Qu il soit brodé
A l’aiguille de l’Aimance
Et au fil de l’Amitié !
J aimerais ritualiser
Chacun de tes mots
De tes conseils
En son cadre d’or
Sur une toile de cristal
Où tu te mirerais
Au-dela des limites
De la mort !
Toi, le scribe mystique
Improvisant la vérité
Le cheval solaire
Lévitant en toute sérénité
Ton être itinérant
Gravite sur une orbite
Qui aujourd hui
M est, hélas, interdite !
Toi, qui aimais
La famille
La patrie
Et la rencontre de ton esprit
Avec celui d’autrui
Poètes, scribes, artistes, penseurs
Nombreux nous sommes
A te pleurer aujourd hui !
Je joins mes larmes
A celles versées par tous
Bégayant comme eux
Une prière
Tressée en dentelle
Dans la géographie astrale
Pour que reste ouverte
La porte du paradis
Afin que je témoigne
De l’autre côté du temps
Par écrit
Qu ai-je a espérer de plus
Dans cette interface
Irréversible ?
Rien
Sauf peut-être
La force du souvenir
Le reste suivra
Dans le chant intérieur
Que j ai appris de toi
Dans le couplet du cœur
Comme tu l’as dit
Toi-même !
Discret
Sans rien déranger
Ton souffle cursif
S est inscrit en moi
Que je le dévoile
Ou que je le dissimule
Au secret de la page blanche
Je le porte en moi
Malgré ma différence
Et mes cris de liberté
En souffrance !
Tu as dit :
Ne trahis pas l’absent
Car l’absent est tout le désert
Ne t en fais pas
Je serai une rose des sables
Ou ne serai pas !
Tu as dit :
Rappelle-toi aussi
Le bruit de la mer
Ne t en fais pas
Ne suis-je pas
Selon tes propres dires
Une poétesse marine ?
Ne suis-je pas
Comme toi
Enfant d’El Jadida ?
Toi, qui ne cessais
De te poser la question :
Suis-je nécessaire ?
Pour qui, pourquoi ?
Et surtout comment ?
Sache que nécessaire
Tu l’es pour nous
Et tu le seras encore
Pour les générations futures
Selon le beau principe
De la réincarnation spirituelle !
Oui, nécessaire
Car tu as tatoué
Notre mémoire
Comme un père
Un frère
Ou un fils
Oui,
Car l’art du signe
Est souverain
Et que sans symbole
Il n’y a pas d’universel !
Toi, qui te demandais
Que serait le portrait
D un intellectuel
Sache que le tien
Notre bien-aimé
Etranger professionnel
Est unique en sa beauté
Aucune frontière ne l’arrêtera
Ni langues
Ni civilisations
Ni commerces
Et tu continueras a venir
A notre rencontre
Quelque part sur le chemin
La main sur le cœur
Ou le cœur sur la main !

Maria Zaki – Lundi 16 mars 2009
Eljadida.com

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