L abattoir d’El Jadida saturé

Situé, près du Château Rouge, a quelques encablures du cœur de la capitale des Doukkala, l’abattoir d’El Jadida, plus connu sous le nom de «Gournate Derb Ghallef», s’étend sur un terrain jouxtant presque la mer. Le site a été construit au temps du protectorat français. Or, rien n’a changé dans cet endroit, le décor est resté le même depuis plus de 77 ans. Le procédé d’abattage, la trachée des bêtes passée au fil de la lame, est inchangé depuis des lustres, a part qu il est exécuté conformément aux rites musulmans.

Arrivés sur place avant le lever du soleil, nous constatons sans attirer l’attention de quiconque que le gros du travail est déja fait. Les bêtes, mises en stabulation la veille par «les bergers», étaient passées depuis les premières heures du jour, une a une, au fil des couteaux des égorgeurs de l’établissement. Quelques carcasses encore sanguinolentes, accrochées a des esses, véritables pièces de musée, attendent, a l’ombre, les derniers clients du jour. Notre première constatation : le site de l’abattoir fait partie des endroits les plus anarchiques.

Désordre et insalubrité s’y côtoient. Quant a la deuxième : les abatteurs exercent dans des conditions hygiéniques, pour le moins choquantes, voire incroyables. A l’intérieur, la saleté atteint son paroxysme. La puanteur est étouffante. Tout est crasseux : sol, murs, plafonds, et outils de travail. Pis encore, des individus sales, peu respectueux des règles d’hygiène suant partout se chargent de l’embarcation de la viande.

Pourtant, il y a des exigences qui doivent être applicables et des principes qu il faut respecter. Les abattoirs doivent être construits et aménagés de telle manière que les activités propres soient systématiquement séparées des activités sales, donc de manière a éviter que les carcasses et les abats ne soient souillés. Ils doivent satisfaire aux exigences fixées par la législation sur les épizooties.

Les postes de contrôle des animaux avant l’abattage et de contrôle des viandes doivent être aménagés de telle manière qu ils puissent s’effectuer conformément aux prescriptions et de façon rationnelle. Après le contrôle des viandes, les carcasses et les abats doivent être transportés dans un local de réfrigération, a moins qu ils ne soient destinés a la découpe a chaud. La température doit diminuer selon une courbe continue pour atteindre une température égale ou inférieure a 7° c’en ce qui concerne les carcasses du bétail de boucherie. Lors du processus de réfrigération, une ventilation adéquate doit être assurée afin d’empêcher toute condensation sur les viandes. En ce qui concerne le contrôle de l’hygiène de l’abattage, selon un boucher, «si la visite du vétérinaire est déterminante, c’est souvent a l’œil que sont repérées les bêtes malades».

Autrement dit, rien n’est systématique. Les bêtes destinées a l’abattage subissent des visites ciblées et le lendemain, tôt le matin, a la prise de service, un autre contrôle est effectué, a la suite duquel la viande est estampillée. Avant son abattage, l’animal est astreint a une diète. «Il ne doit ni boire ni s’alimenter pendant 12 heures», explique-t-il. c’est a ce moment qu est organisé le premier contrôle pour obtenir le visa des services vétérinaires, nécessaire a sa commercialisation dans les conditions légales». Mais ce boucher révèle que «de fausses estampilles circulent et servent a écouler la marchandise provenant des abattages clandestins». La saturation de l’abattoir d’El Jadida est plus qu un fait, constate notre ami. Situé en pleine zone de restructuration, l’abattoir est depuis des années «candidat a la délocalisation». La municipalité avait prévu de construire un nouvel abattoir en 1984. Un avis d’appel d’offres pour la réalisation d’une étude a été lancé par le Conseil municipal de l’époque. Mais rien n’a été fait».

Le dossier du nouvel abattoir d’El Jadida doit être ouvert dans les plus brefs délais. En plus de son emplacement, hors du milieu urbain pour qu il ne soit pas source de désagréments, les autorités locales doivent revoir toute la «conception de l’abattage» et envisager l’introduction de méthodes modernes, comme le système de «f»t basculant», ce qui fera gagner du temps et améliorera les capacités d’abattage.

D autre part, l’accent devra être mis sur la pratique de l’abattage clandestin et sur la vente de carcasses d’ovins et de bovins non estampillées et qui peuvent donc véhiculer des zoonoses, proposées par des bouchers de la ville et ce, «au su et au vu de tous». Il existe, en tout, une dizaine de hangars qui hébergent du cheptel dans la ville.

En définitive, la où les responsables de ce secteur parlent de veiller a l’application des règles élémentaires de l’hygiène et de salubrité publique, les citoyens sont toujours hantés par la peur de consommer de la viande présentant des risques. Ils estiment que de gros efforts restent a fournir dans le domaine de l’abattage, car il s’agit pour ce secteur d’une priorité dont dépendent les autres activités rattachées a l’hygiène.
Le constat est donc alarmant. l’état hygiénique de cet abattoir est déplorable quand on sait que la majeure partie de la viande consommée a El Jadida sort de ce lieu insalubre.

La santé du consommateur

Hormis les abattoirs de Casablanca, de Rabat et de Tanger, les viandes vendues sont préparées dans des locaux jugés insalubres. Par conséquent, l’application des règles de l’hygiène alimentaire est loin d’être prise en considération dans plusieurs abattoirs. l’abattage et la découpe de l’animal sont réalisés dans de mauvaises conditions d’hygiène (mains sales, outils et locaux non désinfectés, souillures de la carcasse avec des matières fécales, non respect de la chaîne du froid) et peuvent contaminer la viande et provoquer une intoxication alimentaire avec des conséquences très graves pour les enfants, les personnes âgées ou malades, les femmes enceintes

L’état des lieux exige une intervention urgente des services d’hygiène, vu que la santé du consommateur n’a pas de prix.

Abdelmajid Nejdi
Le Matin

Auteur/autrice