L Aïd, entre tradition et tracasseries

Partout a El Jadida, on voit des moutons transportés sur les épaules, sur les mobylettes, dans des carrioles, a vélopousse, etc., tous les moyens sont bons. La plupart des bêtes proviennent de Errahba, au sud-ouest de la ville. c’est un véritable labyrinthe. Pour circuler, il faut se faufiler et surtout faire attention a ne pas être victime des pickpockets. Des garages dans les environs de la ville servent, ces jours-ci, de «parcs» pour moutons. Les principales races proposées dans les Doukkala sont le «Sardi», la race «Timahdite», la race «Boujaâd», appelée aussi «Race jaune», et la race «Dammane».

L’Aïd Al Kébir n’est pas seulement une affaire d’éleveurs et de consommateurs. Les intermédiaires, les «chennaka», sont légion dans les souks. Il leur arrive de réaliser des gains considérables. Le plus souvent, ils suscitent la flambée des prix en manipulant les opérations de vente. Dupe est celui qui achète son mouton sans savoir s’il a affaire a un éleveur-vendeur ou a un intermédiaire. La différence peut atteindre 600 DH lors d’une transaction de cinq minutes. Les «chennaka», issus de toutes les catégories sociales et professionnelles, veulent engranger le maximum d’argent et rapidement, et pour cela n’hésitent pas a employer les grands moyens. Ce sont les intermédiaires entre l’éleveur et le client, lequel est appelé a se sacrifier lui-même, avant le mouton.

Par conséquent, les familles entament une vraie course contre la montre et cela commence avec quelques soucis. Devant les agences de La Poste, des banques et les maisons de crédit où des queues se sont formées, on se bouscule pour retirer du liquide. évidemment, beaucoup de gens semblent en fait partagés entre l’obligation de respecter ce qui est une Sunna, satisfaire les enfants, et les difficultés a faire face a une dépense supplémentaire. Les premiers préparatifs s’entament d’abord avec l’achat des accessoires, car les vendeurs de foins, de charbon, les commerçants d’aliments de bétail, les rémouleurs, et autres couteliers envahissent les rues, principalement du côté du souk Bir Brahim, Saâda, avenue Zerktouni… Cependant, le plus important reste a venir : l’achat du mouton. Avant de parler des marchés locaux où on vend du bétail, il est utile de savoir que bon nombre de Jdidis sont habitués a se rendre dans les villages limitrophes pour choisir le mouton de l’Aïd.

Réputées pour leur qualité d’élevage, les fermes et les souks de Tnine Chtouka, Bir Jdid, Tlet Ouled Hamdane, Sebt Douib, Had Ouled Frej, Tlet de Sidi Bennour et Khémis Zemamra sont ainsi les plus prisées. Car a El Jadida, il faut le dire, le choix se limite a quelques quartiers populaires qui se transforment pour l’occasion en marchés ouverts. Les plus connus sont ceux de Lalla Zahra, de Sâada et de Sfa, sans oublier ceux des deux grandes surfaces. Mais la majorité des habitants préfèrent se rendre au souk des moutons d’Errahba, situé au sud-ouest de la ville. Les visiteurs sont étonnés par les prix. l’un d’eux confie : «Certes, les moutons sont apparemment de bonne qualité, mais les prix sont vraiment exagérés. l’agneau est proposé a partir de 1 800 DH. Quant aux béliers, il faut compter au minimum 3 500 DH.

En comparaison avec l’année dernière, les prix ont augmenté de trois a cinq cents dirhams.» Après trois quarts d’heure, nous l’avons retrouvé en pleine discussion avec un vendeur et après quelques minutes de négociations, l’homme repart content avec un gros bélier a cornes au prix de 4 500 DH. «c’est cher, mais que voulez-vous ? Je le fais pour mes enfants, c’est une fête religieuse et je suis obligé de la respecter». Du côté des vendeurs, ils expliquent la cherté du bétail par le fait que les marchés sont instables. «Si aujourd hui les prix affichés sont a la hausse, demain sera un autre jour et les prix peuvent baisser», nous explique un marchand de bétail. Notons que pour ce qui est des agents de contrôle vétérinaire de la qualité du bétail, nulle trace d’eux sur le marché, même si les autorités ont pris plusieurs mesures afin d’examiner et maîtriser strictement tous les marchés de la ville.

Les temps ont bien changé

Autrefois, l’Aïd avait aussi ses traditions. c’était une occasion pour la famille et les amis de se retrouver pour échanger les vœux de l’Aïd. La communion entre les voisins était profonde et pouvait aller jusqu a offrir un mouton aux familles pauvres. Mais les temps ont bien changé, on n’égorge plus le mouton comme avant. l’évolution du mode de vie a entraîné de nouvelles habitudes, les gens n’ont pas appris les techniques du sacrifice comme le faisaient leurs ancêtres. Aujourd hui, le sacrifice du mouton se fait par des bouchers ambulants qui font le tour des zones urbaines et fixent leurs tarifs entre 150 et 300 DH par tête d’agneau. l’habitude du sacrifice et son sens demeurent ancrés dans les esprits. Mais les modes ont changé, même les réjouissances ne semblent plus avoir le même go»t. Autrefois, le soir de l’Aïd, les gens se livraient a des festivités et a des rituels tels que le «Sbâa Boulabtayene» (le lion aux peaux de mouton). Les festivités pouvaient durer sept jours. Et le matin du deuxième jour, c’est «Hlilou». Les enfants et les jeunes y disposent d’une totale liberté pour asperger d’eau voisins, amis et passants. Garçons et filles trottent dans les rues a la recherche d’une proie ou d’un point d’eau pour s’approvisionner.

Abdelmajid Nejdi
Le Matin

Auteur/autrice