L heureux élu crut bien faire

L heureux élu crut bien faire
En nichant dans une cabane en pierre,
Une « Tazota*» en forme de soupière,
Tirant de la hutte et de la tanière,
Cachant dans son cœur un sanctuaire.
En y vivant, sa dulcinée était fière.

Même si tout semblait crier misère,
Avec un plat, deux pots, une théière,
Un « Kanoun*», une marmite a tout faire,
Une natte de jonc comme litière,
Une couverture sans moustiquaire,
La vie a deux ne paraissait pas amère.

Un jour, la fumée du four en paille-terre
Attira un dangereux célibataire,
A l’aff»t de tout gibier arbitraire.
Se présentant au refuge sans barrière,
L’intrus demanda l’hospitalité familière.
Il aperçut la belle en tenue légère.

Ce fut trop tard pour revenir en arrière.
Le maître de céans, contraint de plaire,
Offrit, sans boisson, un souper au solitaire.
La cahutte étant privée de lumière,
L’hôte réclama l’eau. Il fallait, pour ce faire,
Aller au puits pour le satisfaire.

Au retour du maître de chaumière*,
Le vilain avait déja mijoté son affaire
Pour obliger son hôte a baisser la paupière.
Sans se soucier de l’entrée en matière,
Il enleva la femme sans manière
A son coq lâché par la terre entière.

N ayant pas appliqué les dires du beau-père,
L’élu ne put contenir ses larmes, sa colère.
En scandant : « il me l’a bien dit le beau-père*,
N accueilles personne dans ta chaumière»,
Il songea a une ruse du tonnerre
Pouvant laver l’affront de l’adversaire.

Déchu, traîné dans la poussière,
Il se maquilla en simple ménagère
Et proposa des recettes de bonne mère
Aux femmes fières de leur crinière.
A petits pas, il suivit un itinéraire
Inspiré d’une mission guerrière.

Oubliant les peines et le calvaire,
Il découvrit sa bien-aimée a l’arrière
D un abri d’hiver pour brebis et bergère.
Avant de fuir a dos d’un dromadaire,
Il fallut couper le verrou sécuritaire,
Seule entrave au salut de la paire.

*Tazota, case ou cabane en pierre sèche a vo»te d’encorbellement
– http://www.pierreseche.com/tazotas_memoire_battais.htm,
Les Tazotas et les Toufris de la région des Doukkala (Maroc) : un résumé par Sylviane Battais, CERAV, le 25 aout 2007
-http://www.lejardinauxetoiles.com/2010/03/architecture-qui-existe-dans-le-pays-de.html, Les tazotas, curieuses cabanes berbères de pierre sèche par Jean-Luc Vautravers , le 1er Avril 2010

* Le Kanoun avec le K prononcé comme la lettre “kaf” en arabe est, a l’origine, une poterie creuse, en terre cuite, utilisée comme brasero, pour la cuisson des aliments au charbon de bois. Le Kanoun peut être simplement confectionné avec des pierres posées sur le sol formant un triangle, servant d’appui pour poser un récipient afin de cuire des aliments. Dans ce cas, on peut utiliser un feu de paille, de brindilles, de bouse de vache, de crottes dures d’animaux (ovins, caprins, équidés, etc.) et de tous types de bois.

* La chaumière est une maison d’habitation rurale traditionnelle, tirant son nom de sa toiture recouverte de chaume (paille de blé ou de seigle, tiges de roseaux). Au Maroc, on l’assimile a la « Nouala » qui est une cabane de forme conique en roseaux couverts de tiges de graminées ou chaume.

*Je renvoie mon aimable lecteur au poème précédent « Tu nicheras ailleurs qu en ville (http://www.eljadida.com/actualite_news_el_jadida/tu-nicheras–ailleurs-qu-en-ville-a4464.html).

Moussa Ettalibi, Dr Sci.
Eljadida.com

Auteur/autrice