La plage de Sidi Bouzid

* Ce ne fut jadis qu un simple mausolée érigé au milieu d’un vieux cimetière en front de mer , un saint marabout, symbolisé par la coupole du sanctuaire, qui veillait solennellement sur un littoral accidenté.

* Ce ne fut qu une suite de rochers épineux sur lequel de vieux pêcheurs venaient mouiller leurs lignes en quête de quiétude.

* Ce ne fut qu une mince rangée de dunes coiffées de frêles mimosas aux branches tordues qui cachaient jalousement une baie circulaire.

* Ce ne fut qu une plage déserte où la mer sauvage galopait, ruait, hennissait en remuant sa crinière d’écumes. Entre le flux et le reflux, des oiseaux de mer venaient imprimer sur le sable humide de superbes fossettes qu effaçaient inlassablement de courtes vaguelettes.

Puis, un jour, comme par enchantement, des bungalows et des villas de villégiature bourgeonnèrent sur les crêtes de sable. Forêt de béton où les édifices fleurirent de partout. Invasion secrète ; occupation discrète.
Et les dunes, qui étaient de mèche, baissèrent la tête. Soumission complète a la conquête. Tout le monde accepta donc la mouvance, seule, la mer n’était pas de connivence. Elle gronda, cracha, vociféra

O mer bleue, que fais-tu ? Ne sois pas têtue ; inutile de te débattre,« où la victoire est impossible, il est vain de combattre ». A l’urbanisme et au progrès, tu dois céder avec raison, au moins, a la belle saison.
La nuit, la mer médita ce conseil et la nuit porta conseil .

Et depuis, chaque été, la mer se fait docile. Le site offre le panorama d’une baie en demi cercle où le bleu intense joue a cache cache avec le jaune blond du sable coquiller.

La plage est noircie de monde.

Eau glacée, baie profonde.

Serviettes, noires lunettes, casquettes, petites balles et jolies raquettes.
Ombrelles, sable d’or, parasols multicolores.

Corps bronzés, chaleur caniculaire, écran total, Ambre solaire.
Limonades , ananas, glaces, plaisirs fugaces.

On boit, on mange, on court, on joue, on lit ,on rit, on crie.
En famille, en couples, célibataires en solitaire, on se démène, on traîne les pieds, on se promène.

Ici, les jours se suivent et se ressemblent : on s’installe, on déballe, on plonge, on s’allonge, on se lasse et on ramasse

Quand l’hiver chasse l’été et que le soleil, alité, perd ses facultés, la mer reprend sa liberté, son autorité, sa dignité, sa vigueur et sa fierté , La plage , désertée , retrouve sa tranquillité. Alors, a marée basse, sur le miroir du long sillage du reflux, sautillent des bécasseaux et des mouettes rieuses.

Et le soir, sur la corniche, l’estrade ou l’esplanade, quelques visiteurs nostalgiques, jettent un regard maussade sur la baie en cascade. Ils les font souffrir, leurs souvenirs, “ces plaies secrètes” qui leur procurent cette douce douleur. Ils doivent s’y faire et admettre que ” toute rose est proie de l’hiver ” et qu ” il faut toujours un hiver pour bercer un printemps “, un intervalle pour rêver d’une autre saison estivale.

Bonsoir
Mohammed Marouazi – El Jadida

Mohammed Marouazi
Blog Le Jardin Des Mots

Auteur/autrice