La ruée vers l’algue

Le «gelidium sesquipedale», appelé communément l’algue marine rouge, n’en finit pas de susciter les convoitises. Le nombre de plongeurs et de collecteurs augmente par dizaines chaque année. Des pêcheurs se convertissent dans la collecte de l’algue. Des fonctionnaires aussi, ainsi que des étudiants, des chômeurs, femmes et hommes, et même des enfants. Tout le monde s’y met. Les ramassages sont essentiellement concentrés sur une zone de 30 km entre El Jadida et Jorf Lasfar.

Les sociétés exportatrices de l’algue principalement vers l’Asie se sont, elles aussi, multipliées. Dans l’ombre, des hommes d’affaires du monde politique tirent, paraît-il, les ficelles pour profiter de ce marché très lucratif. Chacun essaye a sa manière de s’assurer le monopole de la filière. De leur côté, les autorités locales mènent des actions sporadiques, mais toujours insuffisantes, pour essayer de contrôler, un tant soit peu, ce «secteur» a 90% informel. Les recensements officiels dans le domaine restent très approximatifs. Et les chiffres d’affaires déclarés ou réalisés restent aussi très en deça de la réalité.

Pour la première fois, cette année, les autorités locales ont fait montre de plus de fermeté dans leurs efforts pour combattre la collecte illicite des algues. l’objectif étant évidemment de préserver l’environnement marin, est-il indiqué. Une commission provinciale présidée par la délégation des pêches maritimes (DPM) avait intensifié ses opérations de contrôle et de saisie. Ce qui a permis de saisir une centaine de tonnes d’algues humides et près de 5 tonnes d’algues sèches. De même, il a été procédé a la démolition de 42 barques en situation irrégulière dans différents sites de la circonscription maritime d’El Jadida. Saisie également de centaines de grandes chambres a air, des compresseurs d’air et différents matériels de plongée sous-marine. Les heurts sont très fréquents car les collecteurs peuvent se révéler violents. Les représentants des autorités redoutent en priorité les jets de pierres.

Ils sont souvent injuriés et menacés parfois même par des appels téléphoniques anonymes. Pour lutter contre le phénomène, les services de la DPM dispose de seulement trois véhicules et 20 personnes pour surveiller tout le littoral d’El Jadida. Leurs opérations restent donc comme des coups d’épée dans l’eau, commente-t-on. Les collecteurs et les spéculateurs savent aussi quand, comment et qui corrompre pour faire détourner les regards. Ou encore pour être alertés au moment opportun avant l’arrivée de la commission de contrôle. Et pour cause, l’argent qui circule constitue la trame de fond d’enjeux très importants. Cette année aussi, le prix de l’algue a considérablement augmenté. Une augmentation de 200%. La spéculation battant son train, les sociétés exportatrices se livrent a une concurrence farouche. Au grand bénéfice des plongeurs et des collecteurs de l’algue marine. l’algue humide se vend actuellement entre 5 et 10 DH le kilogramme contre 2 a 3 DH les années précédentes. l’algue sèche est commercialisée, quant a elle, entre 15 a 30 DH le kilogramme contre 6 DH auparavant. A signaler que la collecte de l’algue est autorisée de début juillet a fin septembre. En réalité, l’arrachage s’effectue durant toute l’année, mais clandestinement. Les algues sont stockées dans des maisons et des hangars des douars longeant le littoral. Pour être ensuite écoulées au grand jour durant l’été.

Officiellement, ce sont seulement 100 barques qui sont légalement autorisées par la DPM d’El Jadida a collecter l’algue. Le département des Pêches a, pour sa part, limité par décret les exportations de la matière a 15.000 tonnes par an. Mais la réalité est tout autre. Ce sont dans les 2.000 barques qui s’activent durant l’été pour la collecte de la plante marine le long des 150 km des côtes d’El Jadida. Les chambres a air sont particulièrement utilisées durant la période prohibée des neufs mois supposés pour le repos biologique. Une chambre a air munie d’un compresseur d’air peut collecter jusqu a une tonne d’algues. Chaque barque emploie 3 plongeurs et une quatrième personne pour surveiller le compresseur et accueillir les algues arrachées. Deux a trois autres personnes attendent a terre pour le transport et l’assèchement des algues. A savoir: une seule barque peut contenir parfois jusqu a trois tonnes selon les conditions climatiques.

Grèves

La situation matérielle des plongeurs s’est considérablement améliorée. Ce qui a poussé les alguiers a faire grève, pour la première fois cette année, a chaque tentative des sociétés acheteuses de faire diminuer les prix. Ceux-ci sont pourtant restés élevés dans les pays destinataires (Corée du sud, Japon et Espagne essentiellement).


L’conomiste

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