Le père de Soumia

Figure emblématique de la sagesse, toujours plongé dans ses réflexions, suspendu du monde d’ici-bas, il rêvassait sans cesse : c’est le père de Soumia. Sa présence dans le foyer familial signifie beaucoup de choses a la fois. c’est « Moul dar », c’est le père, c’est le mari, c’est le responsable, c’est le protecteur, c’est l’avenir de ses enfants, c’est l’oncle de Naîma et Ilham, c’est le gendre du grand-père El-Arbi, c’est le fils de Hadj, que Dieu le tient en sa sainte miséricorde, c’est le grand père de Salma et Badr, c’est le gendre de Charki qui ne rend visite de ses enfants qu une fois tous les trois cents cinq jours

Aujourd hui, le père de Soumia, si Mohammed, n’est plus comme auparavant. Souvent silencieux, il fumait, assis devant la façade de sa maison, sa cigarette tabac noir avec beaucoup de sagesse. Ses pensées étaient plus lourdes. Il se donnait complètement a la solitude et a son tabac noir. On ne le voyait que pendant les heures des repas. Le monde lui paraissait labyrinthique aux différents portails et murailles. La vie lui semblait une traque mise sur un terrain vert dans une forêt pleine de chasseurs de sangliers lourds. Son existence dans le monde des vivants lui apparaissait dénuée de sens. Un gouffre profond, très profond creusé par une force bizarre du hasard. Quand l’heure d’aller dormir sonnait, il rallume un mégot de casa sport qu il gardait caché dans la poche de sa veste bleue. Il ne pourrait fumer entièrement sa cigarette comme auparavant. Le médecin lui interdisait de fumer. Car son estomac qui lui faisait tant de maux aigus est infecté par le tabac. Pour dilater ses nerfs, il se contentait uniquement de quelques bouffées.

Le père de Soumia a aussi d’autres enfants : une fille et trois garçons qui vivaient loin de lui. La fille est mariée ; elle a deux enfants. Un des trois garçons est marié, mais n’a pas d’enfants.

Le père de Soumia appartient a une race très rare. Il aimait sa famille, malgré la violence de sa femme. Le statut très modeste de si Mohammed lui incombait une conduite précise. Ses plaintes ne sont pas audibles. La pesanteur des ennuis de la vie qu il cumulait exerçait une force suprême sur son cœur. Un cœur qui fait jaillir des larmes rouges jours et nuits. Le père de Soumia vivait seul en compagne de sa petite famille. Personne ne lui rendait visite. Sa modestie fait de lui une personne indésirable, ennuyeuse, qui ne sert a rien. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il est obligé d’exercer des travaux forcés, de travailler très fort pour gagner ce peu qui ne peut rassasier les gros ventres. La vie de cet homme est extrêmement laborieuse.

c’est rarement où il s’assoie, incliné sur son côté droit, pour écouter des morceaux musicaux de « chikhates », une sorte de musique et patrimoine populaire, comme Statti, El-Mghari, Saïd Hawatt et d’autres. Ecouter la météo a la radio lui signifiait beaucoup de choses aussi. Il se mettait souvent en colère quand quelqu un perturbait son écoute. En fait, le père de Soumia est un fellah saisonnier. Sa joie f»t très grande lorsque le journaliste annonçait de bonnes nouvelles. Cette année, il n’est pas du tout heureux. Le temps qu il faisait annonçait une année de sécheresse. Tous les prix des produits alimentaires sont en augmentation et réclamaient une guerre des marchés. La cherté de la vie pesait sur sa poche. Il ne pourrait nourrir ses enfants, ni acheter son tabac noir. Les animaux qu il élevait dans l’écurie de sa maison mouraient l’un après l’autre. Il n’y a ni luzernes, ni herbes, nini

Devant la maison, on observait un âne qui dessinait avec ses deux grandes oreilles la lettre « V » en majuscule, non en tant que signe de la victoire, mai d’attente. Le parcours du père est jonché d’obstacles fébriles. Mais la vie continuait, et lui vivait encore.

MAKAN Abdeltif
Eljadida.com

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