Les casinos sous la menace de l’exécutif

Qui est derrière le projet de décret devant abroger ceux portant création d’une taxe parafiscale sur les casinos, instaurée en janvier 1988, au profit de la mutuelle des Forces armées royales et de l’Entraide nationale ou encore des collectivités locales? Après les augmentations exigées et obtenues de la TIC (taxe intérieure de consommation) sur les boissons alcoolisées par certains partis politique, dont notamment le PJD, faut-il voir l’influence des islamistes dans ce nouveau coup de force? Ce que rejette Najib Boulife, l’économiste en chef du parti: «Aucun amendement sur ce dispositif émanant du PJD n’a été formulé».

Quoi qu il en soit, les taxes parafiscales ont pris beaucoup d’importance du fait même de leur caractère particulier. «Elles sont hors budget de l’Etat, donc de la loi de Finances. En ce sens, elles échappent complètement au contrôle parlementaire, donc politique», nuance Rachid Lazrak, patron du cabinet fiduciaire Lazrak. Pour ce fiscaliste, ces taxes constituent un bon moyen pour le gouvernement de constituer une manne financière importante qui échappe a tout contrôle politique. Une aubaine pour l’exécutif quand on sait que l’essentiel des taxes parafiscales concerne des secteurs assez sensibles sur le plan religieux.

Le Conseil de gouvernement qui se réunit aujourd hui va examiner ce projet de décret. Est-ce une façon de faire amende honorable et faire, en passant, une fleur aux islamistes? Certains le disent. La protestation des islamistes tangérois contre le casino Movmpick est encore présente dans les mémoires. Il faudra alors s’attendre a d’importants aménagements des textes. Les mêmes, voire plus, qui ont concerné les bières dont la décision de porter le taux de la TIC a 41,3% devrait faire passer les recettes fiscales de ces produits de 508 millions en 2009 a 718 millions l’année prochaine. On peut croire que la législation, déja très stricte, interdisant l’accès des salles de jeu aux Marocains, n’est pas concernée. «Sinon, le Premier ministre, qui délivre personnellement la licence d’ouverture et d’exploitation d’un casino, peut la retirer a tout moment», ironise ce cadre du ministère des Finances. Les casinos sont lourdement taxés. En plus de deux taxes parafiscales de 7% chacune au profit de l’Entraide nationale et de la mutuelle des FAR, une troisième de 6% est prélevée pour les collectivités locales.

Déja dans le milieu, l’on craint que cette abrogation ne porte un coup dur a l’activité. Il y a fort a parier que l’impact sur les taux et barèmes appliqués sur les différents jeux, baccara chemin de fer, roulette sans zéro ou encore machines a sous, sera important. Pour le moment, les concernés (3 a Agadir, 2 a Marrakech, 1 a Tanger et 1 a El Jadida) sont restés désespérément injoignables. «Un coup dur pour le secteur du tourisme, quand on sait que la rentabilité du business plan de Mazagan Beach Resort est fondée sur la partie loisirs, notamment le casino», se désole ce voyagiste casablancais, pour qui, «le casino participe a l’animation des destinations touristiques».

Un beau gâchis si le Conseil de gouvernement venait a adopter un nouveau décret taxant encore plus les casinos. Car, cette industrie est déja vieille de plus d’un demi-siècle (le premier casino au Maroc, l’hôtel Saâdi a Marrakech, remonte a 1952). Depuis, on est bien passé de la formule de casinos adossés a des hôtels de luxe, offrant séjours gratuits aux gamblers (joueurs), avec une mise moyenne de 2.000 DH, a des formules plus ludiques (Mazagan) où la mise de départ commence a partir de 50 centimes. Reste a espérer que l’équilibre financier de nos casinos résiste aux décisions politiques.

Bachir THIAM
L’Economiste

Auteur/autrice