Les façades maritimes du Maghreb a travers l’Histoire

c’est par la visite de la Cité portugaise d’El Jadida que s’est terminé le colloque, passionnant et fertile en enseignements, sur les façades maritimes du Maghreb, organisé ces jours-ci, a la faculté des Lettres et des Sciences humaines Ben M Sik de Casablanca. Un colloque qui intéresse au plus haut point le Maroc, riche de ses 3.500 kilomètres de côtes et seul pays du Maghreb a avoir une telle ouverture sur la mer, la mer Méditerranée d’une part et l’océan Atlantique d’autre part.

Plus d’une vingtaine d’experts, venus d’Espagne, de France, de Tunisie, d’Algérie et naturellement du Maroc avaient été conviés a débattre de l’économie régionale et du développement urbain au Maghreb, a travers l’histoire de cette façade maritime maghrébine. A l’origine de cette rencontre, un programme de coopération entre le Maroc et la Tunisie initié par le laboratoire « Maroc-Mondes Occidentaux » (MMO) de la faculté des Lettres et Sciences humaines Ben M sik, de Casablanca et l’unité de recherches « Histoire économique et sociale » de la faculté des Sciences humaines et sociales de Tunis.

Aussi loin que l’on remonte dans le temps, les côtes maghrébines ont toujours attiré la curiosité des navigateurs et les appétits de négociants en tous genres. Les vestiges archéologiques et historiques que l’on trouve dans tous les pays du Maghreb prouvent, s’il en était besoin, l’ intérêt suscité par ces régions, depuis la plus haute antiquité , en passant par les colonisations diverses , puniques et carthaginoises, romaines , turques ou arabes, et plus récemment, européennes. Tout cela a modelé, voire modifié la façade maritime du Maghreb et créé des lieux d’échange et d’articulation entre le monde maritime et les populations diverses des arrière-pays. Depuis le XVème siècle, notamment, l’espace économique maghrébin, du Maroc atlantique aux rivages libyens, a connu une mutation fondamentale représentée par la diminution progressive de la pression économique saharienne, en particulier du commerce caravanier, au profit des plaines côtières et des franges maritimes.

Et c’est la « maritimisation » de cet espace que les experts réunis a Ben M Sik ont tenté, chacun dans sa spécialité, de déchiffrer ou d’éclairer. Cette « maritimisation », ont-ils résumé, s’est accentuée sous l’effet de deux tendances : le développement de la demande atlantique et méditerranéenne, et la consécration d’une partie de la production locale a l’exportation, comme ce fut le cas, pendant longtemps, des céréales, des peaux et des laines, du sel et du sucre, ou,( dans les Doukkala) des volailles ou des œufset de nos jours de produits agricoles ou minéraliers vers les marchés occidentaux.

Les anciennes villes portuaires, comme les nouvelles édifications, ont connu un développement remarquable et continuent, encore aujourd hui, a être des pôles de développement portuaires, touristiques, industrielles, militaires,etc. Le fait que ces villes soient ouvertes sur la mer a entraîné, avec un brassage de populations diverses, une composition sociale différente selon les époques, mais aussi de nouvelles constructions, de nouveaux aménagements d’espace ; bref, une modification permanente de ces cités, avec un retentissement dans la vie de l’arrière-pays. En effet, ces régions côtières attirent les populations de l’intérieur, créant par la de nouvelles activités, entraînant de nouvelles habitudes de vie. Au Maroc, 60% de la population vit dans le pourtour maritime du royaume. c’est dire aussi la pression économique et sociale exercée sur cette zone.

Les interventions de tous les experts ont eu ainsi pour but de mieux faire connaître l’histoire de la région ; l’on pourra trouver, en annexe a ce trop bref compte-rendu, un résumé de chacune de ces interventions élaboré par les intervenants eux-mêmes.

Mais s’il fallait retenir une conclusion de cet intéressant débat, je reprendrais l’idée émise par Najib Cherfaoui, ingénieur des ponts et chaussées, expert portuaire : Avant de construire un port, il faut interroger l’histoire et la géographie. « Ainsi, dit-il, c’est par ignorance des choses de la mer et en l’absence totale de culture portuaire qu une série d’erreurs ont été commises, ( de 1962 a 2008 ) non seulement scientifiques et techniques, mais aussi de gestion, qui ont entraîné les ports dans une crise structurelle dont les stigmates sont toujours vivaces »et des millions de Dirhams ont ainsi été investis dans des infrastructures portuaires devenues inutiles, parce qu inutilisables, affirme-t-il.

En rendant visite a l’Histoire et a la Cité portugaise d’El jadida, sous la houlette de Azzedine Kara, Directeur régional des affaires culturelles, A. Chebri, Directeur du Centre d’études et de recherches du patrimoine marocco-portugais, et de Laurent Vidal, dont l’ouvrage remarquable « Mazagao, une ville qui traversa l’Atlantique » vient d’être réédité en livre de poche, ces experts et universitaires de grand renom ont pu, de visu, vérifier l’originalité de ce qui fut, pour le Portugal, un avant-poste de la conquête du monde qui a su résister aux assauts de la mer et du temps, et qui, encore aujourd hui, fascine tous ceux qui viennent le visiter et qui reste un exemple pour les bâtisseurs du futur.

Michel Amengual
Eljadida.com

Auteur/autrice