Les vendeuses d’escargots en quête de recettes

Courageuses, stoïques, patientes, fatalistes … Elles sont tout cela a la fois et bien plus encore. Mais avant tout, elles sont femmes, chefs de foyers, pauvres, et dignes.

Tellement dignes qu elles n’ont jamais fait la manche. Même les jours où Dame fortune leur fermait carrément la porte au nez, elles gardaient espoir, s’en allant affronter le frimas nocturne de la Corniche a la recherche de la maigre pitance grâce a laquelle elles maintiennent unies des familles qui, sans elles, auraient éclaté. Engoncées dans leurs incontournables tabliers blancs, elles s’alignent tous les soirs sur le trottoir reliant le restaurant «Ma Bretagne» a l’Ecole de Sidi Abderrahmane. A moins que les Forces de l’ordre ne les en chassent. En pareil cas, elles remontent vers la route reliant Hay Hassani a El Jadida pour vendre leur « Babouche » (escargots).

Certaines sont mariées, d’autres divorcées, mais toutes sont mères. Aussi s’aident-elles de leur progéniture pour effectuer un travail ingrat dont elles auraient bien voulu se passer si leurs maris ou qui que ce soit d’autre pouvaient subvenir a leurs besoins.

Hélas, ils ne le peuvent, mais, Victimes qui d’un mal incurable, qui d’une restructuration sans états d’âme, ces derniers ressemblent a des épaves en dérive dont les rêves sont peuplés d’ailleurs souriants ou d’un au-dela vivable et clément. Jadis taillables et corvéables a merci, ils ont été surexploités avant d’être jetés aux orties. Ils ne servent donc plus a qui que ce soit, ni a quoi que ce soit. Tout au plus peuvent-ils encore alimenter quelques discussions de coin de rue ou «gonfler» quelques statistiques en mal cohérence.

Jugez-en !

L’un des plus grands défis qui se posent au Maroc’est le taux élevé de pauvreté. Même si celui-ci a baissé de 21 a 13% entre 1984 et 1992, il est revenu en force en 2000 (19% pour une population de 29 millions d’habitants), avant de se tasser légèrement depuis lors. Un tassement que la réalité ne corrobore pas toujours.

A quoi peut-on attribuer pareil phénomène ? Peut-être au fait que la misère est avant tout souffrance, et qu a ce titre, elle force non seulement notre compassion, mais aussi notre pitié. Surtout quand elle frappe des femmes aussi courageuses que les vendeuses d’escargots de Sidi Abderrahmane. Et surtout lorsqu on sait que ses futures victimes pourraient également être féminines.

Selon le Haut commissariat au Plan, en effet, « les ménages dirigés par une femme constituent le 1/6 de l’effectif global des ménages » et « demeurent, de par leurs caractéristiques, les unités familiales les plus vulnérables a la dégradation de la condition d’être ». Ceci d’autant plus que « la proportion des ménages ayant une femme a leur tête, s’est établie a 19,3% dans les villes et a 12,3% dans l’espace rural, soit 16,4% a l’échelle nationale ».

Les femmes chefs de ménages sont veuves ou divorcées a raison de 71,7% et analphabètes dans 83,3% des cas, indique la même source en rappelant que « les structures socio-professionnelles des unités familiales dirigées par une femme, confirment la faiblesse de la capacité de cette couche sociale a diversifier ses sources de revenu ea acquérir une protection durable contre toute dégradation éventuelle de son niveau de vie ».

Facteur aggravant, «un ménage dirigé par un homme regroupe en moyenne 2,4 membres pourvus d’un travail contre 1,4 pour un ménage dirigé par une femme». De plus, «les structures socio-professionnelles des unités familiales dirigées par une femme, confirment la faiblesse de la capacité de cette couche sociale a diversifier ses sources de revenu et a acquérir une protection durable contre toute dégradation éventuelle de son niveau de vie».

Dans l’attente d’éventuels «lendemains qui chantent», les vendeuses d’escargots de Sidi Abderrahmane continueront donc a faire partie du paysage casablancais. A côté d’elles, on verra s’aligner certains de leurs fils ou maris, comme c’est actuellement le cas.

Engoncés dans leurs incontournables tabliers blancs, ces derniers affronteront eux aussi les frimas nocturnes en quête des maigres revenus qui leur permettront d’améliorer leurs conditions de vie. Temporairement et chaque fois qu ils le peuvent.


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