Mains de matre (1) : Les Tâarija Des potiers de Sebt Douïb

Dans une nouvelle série de chroniques que dès aujourd hui, je vais publier dans ce site Internet fort sympathique qui me fait l’honneur de m accueillir, je voudrais parler de ces artisans, ces mâalems, ces maîtres aux mains d’or, souvent, pour ne pas dire presque toujours anonymes et qui donnent pourtant a l’artisanat marocain ses lettres de noblesse. d’où le titre de ma chronique : Mains de Maîtres. Mais je me cantonnerai, naturellement, a l’artisanat spécifique des Doukkala et des AbdaEt vous allez voir que nous ferons ensemble des découvertes étonnantes.

Nous fêtons en ce moment l’Achoura : cette fête religieuse qui survient le 10ème jour après le nouvel an de l’Hégire ( 1429 cette année ) c’est surtout la fête des enfants ; nos gamins passent leur journée a faire éclater partout des pétards ( malheureusement, on déplore aussi régulièrement chaque année quelques accidents, d»s a des pétards maladroitement jetés) ou alors ils allument des feuxdes feux de joie.

En terre chiite, cette célébration a une allure toute différente, puisqu elle coïncide avec l’anniversaire de la mort dans des conditions difficiles d’Hussein, que les musulmans chiites commémorent en organisant des manifestations d’auto flagellation.

En pays sunnite, c’est une célébration essentiellement ludique Et c’est surtout la fête du Tâarija. Et toutes les rues et ruelles du Maroc résonnent, durant le temps de cette fête, des sonorités multiples de ces petits tam-tam, ou plutôt ces tambourins, a l’appellation si harmonieuse : Le Taârija.

Et sa fabrication est une spécialité des Doukkala. Des camionnettes viennent de partout du Maroc les chercher, de Tanger, de Meknès, de Rabat ou de Marrackeh et où vont-ils ? A Sebt Douïb, une petite bourgade dépendant d’Ouled Bouaziz, connue pour son imposant souk du samedi et située a une vingtaine de kilomètres d’El Jadida. On peut l’atteindre soit par la route qui mène d’El Jadida ou d’Azemmour a Safi, soit par celle qui vient de Jorf LasfarBref, pas très loin d’un grand rond point a multiples directions. Quelques douars, a l’intérieur des terres, avec des fours facilement reconnaissables. Ils ont la forme de tazotas. Les potiers les appellent d’ailleurs des tazotas. Même forme tronconique, sauf qu ici les pierres sont assemblées par du mortier, pour que la chaleur ne s’échappe pas.

Dans ces douars, on fait des tâarija depuis des générations. Par exemple, dans le douar Lah Chalfa, avec une population approximative de 300 a 400 personnes, il y a a peu près 70 fours. Chaque maison possède deux fours : un petit pouvant contenir 500 pièces a cuire, et le plus grand, d’une capacité de 1000 pièces a cuire. Et tout le monde dans le village met la main a la pâte. Les petits et les grands ; les hommes qui tournent et décorent a la peinture, les femmes qui assemblent et collent la fine membrane tirée des intestins ou des peaux des moutons sur la socle du tambourinUn travail presque a la chaîne.

Chaque maâlem produit a peu près 50.000 pièces par an Ca semble beaucoup ? pas suffisamment pour s’en sortir : Le prix de la glaise, venue des environs, mais aussi des alentours de Safi, le bois pour faire cuire, des nuits entières, les tamboursMais le bois est insuffisant. Alors, on br»le des pneus, toutes sortes de plastic, bref, tout ce qui peut br»lerMais qui n’est pas forcément bon pour l’environnement. On a donc pensé a une autre solution : former une coopérative. Un projet proposé dans le cadre de l’INDH, prévoit l’achat d’un terrain collectif sur lequel seraient installés des fours électriques : La Province d’El Jadida a ratifié le projet et le financement est la. Mes amis de l’Association des « Rangs d’Honneur », du Dr Nourredine Bennani se sont également proposés de participer a ce financement. Il reste aux potiers a trouver entre eux un terrain (d entente) pour l’installation des fours nouveau-modèle. Tout le monde serait gagnant : moins de casse, cuisson plus s»re, plus rapide. Et surtout.la protection de l’environnement. Il est prévu aussi un show-room, une salle d’exposition ( et d’achat ) pour leurs poteries. Car nos potiers ont diversifié depuis quelques temps leurs productions. s’ils sont les plus grands fournisseurs de taârija du Maroc, ils réalisent aussi d’autres ustensiles, comme des jarres, des brasero, (mejmar), des pots a boire ( la goula) ,des tajines ; et ils se sont lancés aussi dans la production d’amphores décoratives d’un style et d’une beauté exceptionnelleCertaines ont l’allure de pièces en bronze. Ils en gardent jalousement le secret de fabrique. De plus, ils peuvent exécuter des commandes, sur mesure.Vous avez des idées ! Faites les réaliser. Ce sont de vrais Mâalems !

L’association de la Cité portugaise a organisé un dimanche, une excursion dans ce douar de potiers. Nous avions, Brahim Kalii, le Président de l’Association et moi-même donné a nos amis la consigne expresse : Il fallait que chacun d’entre nous achetât au minimum une poterie La journée s’était terminée par une collation dans le magnifique ensemble de tazotas appartenant a la famille Moundib Un bel itinéraire pour le tourisme rural

J y avais mené également mes amis de l’association Maroc Nature et Culture, dont l’énergique présidente est Mme Zineb Idrissi Benrhamoune, Professeur a l’Ecole Nationale Forestière de Salé, avec des personnes venues de Rabat,Meknès, Fez Avec les mêmes consignes. Et tout le monde s’est prêté au jeu. Le tourisme rural dans les Doukkalas a l’avenir devant soi.

…Et les potiers de Sebt Douïb aussi.

Michel Amengual
Eljadida.com

Auteur/autrice