MERGUEZ ET HARISSA de l’artiste peintre et écrivain marocain Abderrahmane Zenati

Jai lu dernièrement « MERGUEZ ET HARISSA » de l’artiste peintre et écrivain marocain Abderrahmane ZENATI. Un livre précieux et historique, a lire a tout prix et a faire lire a nos enfants.

Extrait:

Oujda, a cette époque, était un coin du paradis sur terre où Juifs et Musulmans vivaient en paix et dans une harmonie complète Artisans et commerçants des deux confessions tenaient leurs boutiques côte-a-côte. CHAMOUN le ferblantier juif qui fabriquait de vagues objets, lampes a pétrole ou récipients divers avec des boites de conserves était le voisin de KOUTATA le musulman, marchand de légumes. La porte de Moshé Ben Adiba, le cordonnier réparateur de vieux souliers et fabriquant des sandales taillées dans des pneus d’automobile, faisait face a celle de Kachouane le tailleur. Marcel Azoulay le bourrelier était voisin avec Ben Dali le bijoutier. Mordkhaï le serrurier était associé avec Mohamed Al Alj.

Jacob Touboul le matelassier était mitoyen avec Labyed le coiffeur. Les Juifs d’Oujda étaient connus pour leur longévité, précisément, disait-on a cause des drogues, talismans et autres amulettes écrites en hébraïque par le rabbin El Cohen Jacob. Ce vénérable vieillard a la longue barbe blanche versait, disait-on encore dans les sciences occultes. Il arrivait même, selon certaines dames, a… solidifier l’eau, alors que le congélateur n’existait pas encore. Beaucoup de musulmanes stériles n’hésitaient pas, elles aussi, a lui rendre visite.
Les Oujdis cohabitaient paisiblement avec les Juifs et se rendaient parfois de menus services. Certains Juifs vivaient, en effet, a Oujda depuis des siècles. d’autres comme les Marciano, Sebag, Rosalie, Touboul, Zaoui, Sadoun, Pinto, Perez, Medioni, Haziza, Elbaz Elgrabli etc. s’y sont installés plus récemment en venant de Debdou, Séfrou et Demnate entre autres. Tous vivaient modestement, mais ils étaient dynamiques, honnêtes, humbles et acceptaient avec résignation leur destin dans une société cosmopolite où les jeux étaient déja faits. Partout, a Oujda, il y avait un mélange extraordinaire de races, de langues, de dialectes et autant de modes de vie avec tout ce que cela comporte, comme accents, odeurs, bruits, etc. Contrairement aux Juifs des autres villes qui habitaient dans les Mellahs, les Juifs d’Oujda logeaient librement tous les quartiers de la ville. Depuis des siècles, des familles musulmanes et hébraïques cohabitaient en parfaite symbiose. Ces derniers bénéficiaient de la situation de «minorités protégées» accordée aux «gens du Livre» en terre d’Islam.

Les Juifs étaient directement placés sous la protection des souverains, mais en périodes de troubles, ils se plaçaient, d’eux-mêmes, sous la protection d’un de leurs voisins Musulmans influents : «horm», moyennant une certaine obéissance et une sorte de tribut garantissant leur sécurité. Le contrat de protection était scellé par le sacrifice de deux moutons ou d’un veau sur le seuil de la maison du protecteur. Cette immolation «D biha» liait plusieurs générations successives. d’où le proverbe : « Coul ihoudi andou sidou. » Pour défendre le juif sous sa protection, un Musulman pouvait aller jusqu a combattre, par les armes, un de ses coreligionnaires.

Les Juifs, de la ville, avaient une grande autonomie dans la pratique de leur religion, leur culte, leurs traditions, leurs coutumes, leur législation religieuse et civile et leurs tribunaux. Cependant, la culture juive et musulmane était la même. Ils parlaient le même dialecte, chantaient les mêmes chansons, dansaient sur le même rythme et de la même façon. Les recettes de cuisine étaient presque semblables. Le juif se gardait bien d’entrer dans les mosquées, toucher au Coran, le critiquer ou en fausser le texte, de tenir des propos méprisants ou mensongers a l’encontre du Prophète ou de l’Islam et de détourner un musulman de sa foi.

Un juif ne pouvait toucher une musulmane même en vue du Mariage. Les Juifs, par leur savoir-faire, contribuaient au développement économique de la région. Ils étaient commerçants, bijoutiers, coiffeurs, tailleurs, cordonniers, teinturiers, ébénistes, bouchers, imprimeurs, droguistes photographes etc.

Avec l’exode rural, la ville allait devenir une véritable pétaudière : Chaque jour apportait son lot d’aveugles, d’estropiés, d’idiots, de fous et de voleurs auxquels s’ajoutaient des milliers d’algériens. Certaines rues calmes et paisibles jusque-la, étaient devenues de ce fait, de vrais repaires de truands, de contrebandiers et de trafiquants de tous acabits. Il y avait aussi de nombreux cambrioleurs qui venaient des villages périphériques : Derb M basso et des villages Ben M rah, Khalloufi, Koulouch et Mir Ali. Ils s’acharnaient particulièrement sur les Juifs qu ils croyaient riches et cachaient d’immenses fortunes. Le Mossad s’activait a semer la zizanie entre les deux communautés afin de hâter le départ des hébreux vers Isral nouvellement créé

Il y avait des dizaines de milliers de Juifs marocains a Oujda Aujourd hui, au moment où ces lignes furent écrites, il n’en reste plus que cinq vieillards : Deux hommes et trois femmes. Les autres, sont partis en Isral, en France et au Canada.

Les Juifs marocains qui furent longtemps méprisés a la fois par l’administration française, par leurs frères de race algériens de nationalité française et surtout a cause des Musulmans fanatisés, beaucoup avaient pris des noms français, américains… d’autre, ceux qui avaient réussi dans les affaires a Oujda, pour être respectés et admirés des arabes, avaient abjurés leur religion et étaient devenus carrément Musulmans. Ils avaient pris des noms typiquement de Fès. La plupart de leur descendance habite toujours Oujda et dirigent des affaires rentables. d’autres encore sont de hauts cadres dans l’administration et a la tête des grandes affaires industrielles et bancaires de Casablanca.


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