Mohamed Moncef , coordonnateur du REMER, expose sa vision de ce réseau pionnier au Maroc

Né le 25 décembre 1959 a El Jadida, Mohamed MONCEF y suit ses études primaires et secondaires. En 1982, il est un des premiers bénéficiaires du Programme d’Actions Intégrées financé par le SCAC, et finalise ainsi une thèse de 3ème cycle en Hydrobiologie/Hydroécologie (1986). Il poursuit ses recherches avec une thèse d’Etat ès sciences (1993) dans la même spécialité. Enseignant – chercheur a l’Université d’El Jadida depuis 1987, Monsieur MONCEF est également responsable du laboratoire d’Hydrobiologie et de deux unités de formation et de recherche (UFR Doctorat et UFR DESA) dans cette université. Monsieur MONCEF est coordinateur du Groupe ” Sciences de la Mer ” (GSM) d’El Jadida et du Réseau National des Sciences et Techniques de la Mer (REMER) au niveau bilatéral. Son engagement est également privé, en tant que Président de l’Association Marocaine de Protection de l’Environnement pour la section des Doukkala (Province d’El Jadida). Il est également membre de plusieurs associations scientifiques (SIL, UOF, AFL, AMASMER).

Q : Le REMER a été créé en 1996, sur quelle base a été fondé ce réseau ?

R: Tout d’abord, je voudrais vous remercier pour l’intérêt que vous donnez au REMER en général et a ma modeste personne en particulier. l’histoire du REMER remonte au 13 novembre 1996, mais l’idée d’un regroupement de laboratoires a commencé en 1992. Ces laboratoires, initialement au nombre de trois, travaillaient séparément sur le milieu marin. Nous avons alors pensé a nous regrouper pour former un groupe de recherche, ce qui a donné naissance la même année (1992), a la création du GSM. l’idée a bien marché, a tel point qu une année après, deux autres labos s’y sont joints. Au début c’était mon laboratoire d’Hydrobiologie, le laboratoire de Chimie Organique et Bio-organique et le laboratoire de Microbiologie Appliquée. l’année suivante se sont ajoutés le laboratoire de Physiologie marine et le laboratoire de Biochimie marine, et l’année d’après le laboratoire de Géosciences marines. Nous sommes devenus alors six équipes complémentaires travaillant en sciences de la mer. Nous avons ainsi proposé un DEA en Sciences de la mer, qui a l’époque était unique dans l’université marocaine. Une chaire UNESCO a été accordée au GSM intitulée ” Formation et Recherche en sciences de la mer “.

Q : Le point de départ du REMER a donc été un regroupement volontaire.

R : Oui. En 1996, notre Ministère a nommé le groupe Sciences de la mer d’El Jadida ” pôle d’excellence en Sciences de la mer au Maroc “. Cela couronnait nos efforts fournis depuis la naissance du GSM. Nous devions en toute logique passer a une étape plus importante, celle de la création d’un réseau national, premier du genre au Maroc. Ainsi, nous avons fait appel a nos collègues d’autres établissements universitaires et non universitaires, travaillant totalement ou partiellement en sciences et techniques marines. Le réseau REMER était alors officiellement créé a El Jadida (point focal) le 13/11/96, sous l’impulsion du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Formation des Cadres et de la Recherche Scientifique, et avec le soutien de l’Ambassade de France (SCAC). l’un des premiers objectifs était de fédérer un maximum de compétences nationales et de créer une synergie entre elles. Les établissements qui ont constitué le REMER au départ sont, outre la Faculté des Sciences d’El Jadida par le biais du Groupe ” Sciences de la Mer “, les Facultés des Sciences d’Agadir, de Kénitra et de Tétouan, la FST de Tanger, l’Institut National de Recherche Halieutique, l’Institut Scientifique, l’Institut d’Hygiène et l’Ecole Mohammadia des Ingénieurs. Notre Ministère ainsi que le SCAC en la personne de M. J.M. Lomeguedeuc ont soutenu financièrement le REMER pour bien asseoir ses structures et son organisation et atteindre progressivement les objectifs escomptés, ce qui a renforcé davantage la coopération franco-marocaine en matière de recherche scientifique. c’est comme ça qu a commencé ” l’aventure ” du REMER, avec une production scientifique progressive au fil des années, en qualité et en quantité, pour devenir le réseau pilote au Maroc. Le REMER est par conséquent un pionnier sur le plan du fonctionnement en réseau de coopération.

Q : Et par quelles étapes est ensuite passé le Réseau REMER ?

R : La première année, nous l’avions qualifiée d’année zéro (zéro structure au départ !). La première des choses était d’élaborer une charte du réseau. On a alors fixé les grandes lignes : dénomination, point focal, secrétariat permanent, organe décisionnel (comité de suivi). Nous avons réalisé un guide REMER, pour mieux faire connaître le réseau au niveau national et en France. Les années suivantes, le travail du réseau est passé au stade purement scientifique par le biais de projets scientifiques variés en sciences et techniques marines, entre des laboratoires du REMER et nos partenaires français. Ce travail a évolué d’une année a une autre et par conséquent le réseau a énormément gagné en maturité et en expérience.

Q : Et pour les partenaires ?

R : Au début, nous avons commencé a faire des échanges principalement avec des collègues du Centre d’Océanologie de Marseille (COM) et d’IFREMER, dans le but de lancer une collaboration scientifique. Ainsi est venue l’idée de lancer des appels d’offre a partir de 1997. Des échanges ont commencé entre chercheurs du REMER et chercheurs français autour des Sciences et Techniques de la mer, par le biais de projets de recherche (une vingtaine). c’était le point de départ d’une fructueuse coopération scientifique entre le REMER et 18 établissements français avec comme opérateur du côté français le Professeur Lucien Laubier directeur du COM.

M. Bertrand COMMELIN est ensuite arrivé au SCAC avec de nouvelles idées pour diversifier la coopération avec le REMER, notamment par l’introduction de l’appui logistique au profit des laboratoires marocains du REMER et des bourses de stage pour étudiants. Bien s»r, la vision globale est restée la même mais chacun a sa propre empreinte. M. Commelin a également fortement soutenu notre idée de projet fédérateur qui a reçu récemment un financement très important sur le plan de l’équipement, par notre Secrétariat d’Etat chargé de la recherche scientifique. Ce projet consiste en une recherche pluridisciplinaire sur quatre importantes lagunes marocaines durant quatre années consécutives. Les retombées seront importantes en termes environnemental, socio-économique, scientifique et de formation. Actuellement, ce projet fédérateur est devenu une priorité qui permettra de faire progresser le REMER d’un grand pas sur le plan du travail en réseau et de dynamiser davantage la coopération franco-marocaine en matière de recherche en sciences et techniques de la mer.

Q : On a l’impression que le REMER se tourne énormément vers l’environnement ?

R : Une des priorités du REMER c’est l’environnement marin. Il y a également le volet ressources marines et tout particulièrement la ressource halieutique qui est beaucoup plus du ressort de l’Institut National de Recherche Halieutique, ENTRETIEN membre du REMER. Mais pour nous, l’environnement est bien étudié et bien représenté, tant scientifiquement qu humainement, ce qui est très important pour l’avenir du Maroc.

Q : Vous avez également assuré l’accueil de la Deuxième réunion du groupe ABE-LOS de la COl/UNESCO. Comment cela s’est-il passé ?

R : l’idée est venue en 2001, lorsque la Commission Océanographique Intergouvernementale de l’UNESCO (COI) a créé l’Organe Consultatif d’Experts en Droit de la Mer : Advisory Body of Experts in the Law of the Sea, c’est-a-dire ABE-LOS. Son mandat se résume globalement a mettre le droit de la mer au service de la recherche scientifique marine.
En tant que scientifiques, nous disons que la science n’a pas de frontières !! Malheureusement, sur le plan politique, il y a des frontières et des modalités administratives par lesquelles il faut passer. En effet, pour réaliser un projet de recherche plurinational marin dans n’importe quel pays, il se pose d’abord le problème des autorisations pour exercer cette recherche. Ce problème a été largement discuté dans la 1ère réunion d’ABE-LOS au Siège de l’UNESCO a Paris en 2001. A ce volet s’est ajouté le point relatif au transfert des technologies.

Pour être dans le groupe ABE-LOS, la COI avait demandé au Royaume du Maroc (tout comme les autres états membre de la COI) de nommer un expert en sciences de la mer et un autre en droit de la mer pour représenter le pays. J ai eu l’honneur d’être nommé pour représenter mon pays sur le plan scientifique avec un collègue juriste, M. Miloud Loukili. J ai donc représenté le Maroc a ABE-LOS I au siège de l’UNESCO a Paris, en juin 2001 (mon collègue n’ayant pas pu m accompagner pour des contraintes professionnelles de dernière minute).
J ai donné l’un des six grands exposés programmés, c’était le seul d’un pays en voie de développement. J ai axé mon intervention sur le bilan de la recherche scientifique marine au Maroc et les possibilités d’aide internationale pour la promotion de ce secteur primordial dans notre pays. Cet exposé a eu un écho très favorable auprès des experts, ce qui a été clairement mentionné dans le rapport d’ABE-LOS I, diffusé a tous les pays membres de la COI. A la fin de mon intervention, j avais fait quelques recommandations en proposant notamment de ” décentraliser ” les activités de l’UNESCO, par l’organisation de telles réunions très importantes dans un pays en voie de développement et de la, j ai lancé l’invitation du Maroc.

Q : Et la recommandation a été suivie ?

R : Oui. J ai par la suite été contacté par l’UNESCO en octobre 2001, pour organiser ABELOS II a El Jadida. Ca a été un énorme travail : signature de l’accord entre l’UNESCO et le Gouvernement du Royaume du Maroc, organisation pratique : accueil, hôtellerie, sécurité, déplacements, interprétariat, moyens logistiques. Cette manifestation a donc été organisée par l’Université Chouaïb Doukkali, Faculté des Sciences d’El Jadida, la COI/ UNESCO et le REMER avec le soutien de la Province d’El Jadida, du SCAC et du Conseil Municipal d’El Jadida, ce qui a largement contribué a sa réussite. Le jour J, 33 délégations de 33 pays, quatre organisations internationales (ONU, UNESCO, FAO, ABELOS), ont été accueillies a l’aéroport de ENTRETIEN Casablanca et acheminées a El Jadida, lieu de la rencontre. Je ne vous cache pas, qu en tant que responsable national de l’organisation, je dormais de moins en moins a l’approche de la date du 6 mai 2002. Je voulais montrer a toutes les délégations que nous sommes un pays en voie de développement certes, mais parfaitement a la hauteur des grands événements.
Au final, cela a été un succès éclatant et les remerciements ont été généraux même par les membres du Conseil Exécutif de la COI réunis lors de la 36ème session a Paris en juin dernier et a laquelle j ai pris part. En tant que Marocain qui aime son pays, j en suis très heureux et très fier car cela marque la réussite d’une action décentralisée de l’UNESCO dans un pays comme le nôtre. Lors de la clôture d’ABE-LOS II, j ai lu publiquement et adressé au nom de tous les participants du groupe ABELOS, un message de gratitude a Sa Majesté le Roi Mohammed VI.

Q : Quelles furent alors les principales recommandations d’ABELOS II ?

R : Après cinq journées de travail et de débat, nous nous sommes mis d’accord sur les trois recommandations suivantes :

– Le sous-groupe ” Transfert de Technologie Marine ” devra continuer a travailler, en coopération avec l’UN/OLA/DOALOS (Division des affaires océaniques et du droit de la mer de l’Organisation des Nations Unies, qui dépend du Bureau des affaires juridique), sur l’élaboration d’un préprojet de critères et directives sur le Transfert de Technologie Marine, en vue de leur adoption possible par la 22ème session de l’Assemblée de la COI. Le sous-groupe travaillera essentiellement par courrier électronique.

– Le sous-groupe sur les procédures internes de la COI s’efforcera d’optimiser les procédures qui concernent les projets de la recherche scientifique entrepris par ou sous les auspices d’organisations internationales, en coopération avec l’UN/OLA/DOALOS. Les échanges se feront par courrier électronique.

– Le secrétariat de la COI, en coopération avec l’UN/OLA/DOALOS, mettra en place un questionnaire relatif a l’octroi des autorisations pour la recherche scientifique marine, toujours afin de simplifier les procédures administratives pour la recherche scientifique. La concertation s’effectuera également par courrier électronique.


Ambafrance-ma.org

Auteur/autrice