Parcours et témoignage d’un Mazaganais (suite1)

Bonjour tout le monde !

Chose promise, chose due. Voici donc la suite de mon premier article que j’espère plaira aux lecteurs Jdidis.

Louange a Allah ; que les éloges et la paix soient sur notre Maître, notre Prophète et bien-aimé, le Messager d’Allah Sidna Mohammed.

Notre vieille demeure de deux pièces ne suffisait aucunement aux neuf membres de la famille que nous étions, auxquels s’ajoutaient parfois des visiteurs arrivant du bled sans propos aucun, qui apportaient souvent avec eux des poules, des œufs, du blé, de l’orge, des figues de Barbarie,etc, appréciant notablement la quintessence de leur séjour et de la vie agréable en ville loin de l’abrutissement de la campagne.

L’absence dans notre foyer et dans ceux de nos voisins des moyens distractifs, et en raison de la surpopulation permanente dans chaque famille lambda, qui a l’époque ignorait totalement tout sur la planification familiale, les jouvenceaux d’âge précoce étaient contraints de passer la majeure partie de leur temps a l’extérieur de leur maison, entrain de, jouer comme d’habitude pieds nus, au ballon fait de torchons usités, aux jeux diversifié de billes, au cache-cache, « hiri », « dinifri », « tchik tchik labourik », avec des toupies, parfois chanter des chansons tantôt populaires, tantôt vulgaires en poussant des cris sordides courrouçant ainsi plus d’un, laissant une bonne partie du « derb » dans un état bordélique, puisque tout un chacun se trouvait dans le feu de l’action.

Dès l’arriveé de notre «Moukaddam de l’époque feu Oueld Abdelkamel », l’odre et le calme revinrent prestissimo, et règnèrent désormais dans tout le quartier.Tous les enfants qui étaient naguère dans la turbulence se mirent en file indienne pour baiser, a tour de rôle, la main du “Moukaddam ”

Sans aucune arrière-pensée de ma part, dois-je avouer le plus sincèrement du monde, que pour dormir la nuit, sœurs et frères (égalité oblige) s’allongèrent côte a côte « comme des sardines dans une boite de conserve », en se racontant des contes angéliques, en se chuchotant également quelques agréables plaisanterie avant de dormir et plonger dans un sommeil profond en commençant une « course de ronflement » de part et d’autre.
Tous serrés les uns contre les autres, sans distinction ni de sexe ni d’âge, pour mieux s’échauffer, alignés par terre sur et sous des couvertures en laine qui nous couvraient de la tête aux pieds, soigneusement tissés et confectionnés par notre vaillante mère qui était d’une âme immaculée, que Dieu le tout Puissant l’ait en sa miséricorde, aidée bénévolement dans sa dure besogne, par des femmes voisines du « derb », qui faisaient la fierté de Doukkala, intrépides et pleines de bonne volonté, patriotiques outre mesure, aimant bien le travail collaboratif.

Nombreux sont les habitants Mazaganais des quartiers populaires, qui avaient inéluctablement la propension a aider leurs voisins en cas de besoin immédiat.
Pour preuve : les portes des maisons dans notre « derb », comme plausiblement dans les autres quartiers populaires de la ville, ne se fermaient point le jour, permettant ainsi aux enfants voisins de jouer la où il leur semblait opportun. Il arrivait aussi de temps a autre qu une famille quelcoque reçoive a l’improviste des hôtes, pour que tous les voisins se mobilisèrent et vinrent a son aide, en vue de permettre a cette réception de se passer dans des conditions irréprochables.

Quel esprit de solidarité et de fraternité!

Sur le plan médical, a part les vaccins (Jelba) imposés par l’Autorité sanitaire de la ville de Mazagan, on n’avait ni brosse a dents, ni pyjama, ni pantoufle, ni vêtements a s’endimancher ; on était quand même heureux et jouissant d’une très bonne santé, et ce en dépit de notre propreté corporelle qui laissait un peu a désirer, puisqu on n’allait au hammam qu une fois toutes les deux semaines ou a la veille de chaque Aïd (fête religieuse)

Notre quartier de derb Lahlali était constamment paisible le jour comme la nuit, bien apprécié par le restant de la population de la ville de Mazagan puisqu il était habité, au côté des familles lambdas, par des aristocrates tels que les : Boukili, Rifi (fqih), Rafiy (fqih), Lamine Chorfi, Loummine, Souani, Haj Loukhnati, Haj Brahim Bentouila, Haj Zemmouri, Si H saine, Sdaygui(Fqih), Benabbou, Mesnaoui, Haj KameletcNotre Moukaddam de l’époque s’appelait Oueld Abdelkamel , dont les enfants Abderrahmane et Abdelmajid me sont de bons amis, et petits enfants portent aujourd hui le nom de famille « Kamili ».

Vers le début des années cinquante , a la suite du refus de mon inscription a l’école primaire publique située au derb Hajjar, appelée a l’époque (Dar), pour raison de bas âge et de ma petite taille.
Mes parents même illettrés pour ne pas dire incultes, mais qui n’avaient rien d’hurluberlus, très influencés par les études coraniques comme leurs semblables de l’époque, prenant comme références nos voisins « Fqihs » (savant religieux), cités ci-dessus, ont tout de suite après ce refus catégorique, décidé péremptoirement de me faire entrer dans une école coranique « Jamaâ ».
l’une des plus réputées de notre ville par son régime drastique après celle du feu « Fqih Demnanti », était dirigée d’une main de fer sans gant de velours par feu Fqih Si Bouchaib, que Dieu le tout Puissant bénit son âme, pour y apprendre les 114 versets du Coran sacré, en vue de devenir en fin de compte un Cadi (juge) selon la vision et l’espoir formulés par toute ma famille.

Etant enfant choyé parce que j étais le benjamin de notre famille a prépondérance féminine, pour me faire le plaisir d’accepter volontiers a poursuivre des études coranique dans cette école a système rigoureux, qui va a coup s»r me pousser a être soupe au lait, mes parents ont mis a ma disposition a la terrasse de notre maison, une brebis puisque mon père était boucher, un chiot bâtard qui ne cessa de japper et eut besoin de sa mère pour l’allaiter, une cage avec un canard qui chanta peu et vola incessamment de tous les côtés a la recherche d’une issue, en s’accrochant mordicus le plus souvent au grillage, préférant ainsi la liberté que d’être enfermé.
L’ensemble de tous ces petits et dociles animaux que j ai essayés d’éviter de tarabuster, ont constitué mon univers, ma passion, ma seule préoccupation durant les heures creuses, notamment le vendredi seul jour de vacance des écoles coraniques dans toute la ville.

Suite a ces magnifiques offrandes qui m’ont mis du baume au coeur, me voila donc enfin prendre mon courage a deux mains pour aller a cette école manifestement détestée a l’époque par tant d’enfants de mon âge.

Faut-il rappeler a l’occasion que les écoles coraniques constituaient a cette époque, un passage obligé pour tous les enfants scolarisés ou non, et un complément incontournable pour les écoliers du « primaire », qui avaient un programme d’étude partagé a heures égales entre l’Arabe et le Français.

A son passage très matinal a la Zaouiya (lieu de culte et sorte de club des Fqihs ), située au « Mellah, jouxtant la fameuse prison « Habs Souar », pour la prière habituelle de l’aurore (Sobh et Elfajr), le fqih Si Bouchaib, que Dieu bénit son âme, homme sévère et sans état d’âme, venait chaque matin, de bonheur et en mauvaise humeur, me chercher de chez-moi pour me conduire en tenant fermement mon bras pour ne pas fuir, puis m enfermer dans l’école en compagnie de quelques “mahadra” (élèves) privilégiés, que Dieu le tout Puissant bénit les morts parmi eux et accorde santé et longue vie a ceux qui sont encore vivants ; j en cite pour mémoire Abdelmjid Bahbouhi et ses cousins Mostafa et Saâdia, Ouled Fqih Sbaïtî, Ouled Ouehrani, Tijani Ouled Attar,etc, jusqu’a son retour de la prière au lever du soleil.

Au fil des jours et des mois, j ai d» apprendre prestissimo et par cœur l’alphabet, ainsi que plusieurs versets du Coran vénéré, sur une planchette de bois « Louha », qui va m accompagner toujours pour me servir en sus de l’apprentissage, de moyen de protection contre les coups de fouet lancés abruptement vers moi par le Fqih Si Bouchaib.

A l’évidence et sans l’ombre d’aucun doute, peut-on déduire a posteriori que le fait qu on soit constamment tarabusté et fouetté par le fqih, notre capacité d’apprendre et de retenir grandissait de jour en jour, a tel point que les 114 Sourates du Coran vénéré, ont été apprises couramment et sans impedimenta en un temps record par la plupart des”mahadra”.

Que disent donc les psychologues de cet état de fait ?

Bonne lecture et a bientôt pour la suite2 !

Elmostafa ABDOUSS
Eljadida.com

Auteur/autrice