quelques jours de l’Aïd El Adha

L Aïd El Kébir (la grande fête), appelée aussi «Fête du mouton», «Aïd El Adha», «Fête du sacrifice», est une grande fête religieuse qui célèbre le miracle opéré par Dieu substituant un bélier au fils qu Abraham lui offrait en sacrifice.

Cette fête est aussi une communion entre musulmans. Et, a l’approche de l’Aïd El Adha, Eljadida est devenue un «souk» pour les ovins. La quasi-totalité des quartiers se sont transformés en centres pour la vente de moutons. évidemment, cette année, les prix des moutons enregistrent des hausses qui vont pénaliser les Doukkalis aux bas revenus.

Des garages et même des impasses servent, ces jours-ci, de «parcs» pour moutons. Les transactions s’effectuent généralement de manière anarchique, sans aucune précaution contre les risques que peuvent engendrer ces manières de faire. En effet, un nombre indéterminé de marchés s’ouvre au gré des disponibilités du terrain et des conjonctures.

cela s’ajoute le laisser-faire des autorités locales qui, dans certains quartiers, ferment les yeux et tolèrent cette situation pour des périodes déterminées. Pourtant, les autorités provinciales ont pris une série de mesures destinées a préserver le cadre de vie et lutter contre les risques de dégradation. Cette mesure est constituée par la détermination du lieu d’installation du marché de moutons de l’Aïd El Adha (Errahba) au niveau de la capitale des Doukkala. Ainsi, un lieu de vente de moutons (Errahba) a été fixé pour garantir la propreté de la ville alors que des agents de nettoyage sont chargés du ramassage des déchets ou autres fourrages consacrés aux moutons du sacrifice.

Sur le volet des achats, nombreux sont les acquéreurs qui ont déja fait leur choix de la bête a immoler. c’est souvent le choix des enfants qui prime. Les parents ayant des petites bourses recourent a des avances, a des prêts ou a des crédits bancaires uniquement pour ne pas priver leurs enfants de cette joie collective: «La joie de mes enfants est au-dessus de toutes les dépenses», déclare A. Ahmed dont le fils a choisi un mouton estimé a 3500DH. l’Aïd El Adha, tout comme le Ramadan, est le terrain propice pour «tomber de Charybde en Scylla». Malheureux sont ces parents qui, pour échapper a la tristesse de leurs enfants le jour de la Fête, préfèrent s’endetter. c’est après la Fête que l’on se gratte la tête, comme dit la sagesse populaire.

Lors de notre passage a Sebt Douib, la semaine dernière, le prix du mouton sortait complètement de l’ordinaire. Il faudra miser entre 25000 a 5000DH pour quelque 20 a 30kg de viande. La différence des prix ne réside pas dans le poids mais dans les cornes! Les moutons ayant de grands appendices céphaliques en spirale et pointus, sont chouchoutés par leurs propriétaires. La nature a gâté cette fois-ci les éleveurs.

Concernant l’autre catégorie d’éleveurs, c’est-a-dire les « chennaka» qui veulent engranger le maximum d’argent et rapidement, ils n’hésitent pas a employer les grands moyens, peu importe les contre-indications. Ces « chennaka» sont des maquignons improvisés qui imposent leur diktat. Ils sont issus de toutes les catégories sociales et professionnelles. Ils sont épiciers, vendeurs de légumes, enseignants, fonctionnaires, voire cadres. Ce sont les intermédiaires entre l’éleveur et le client, lequel est appelé a être sacrifié lui-même. Pis encore, ces opportunistes utilisent un aliment de croissance destiné au poulet de chair pour engraisser les moutons. Pour les connaisseurs, rencontrés sur place, «l engraissement des moutons par cet aliment est visible sur les viandes de boucherie avec des parties grasses et d’autres maigres».

Cet aliment permet de transformer un poussin de quelques grammes en un poulet de 3kg et plus, et ce, en 45 jours seulement. Imaginez un mouton qui a cette nourriture en abondance!!! Ainsi, contrairement a l’année passée où le mouton pesant entre 20 et 25 kilogrammes n’avait pas dépassé les 1750 DH, a raison de 70 DH le kilo, en plus des abats, cette année, le prix du mouton de même poids est cédé entre 2350 et 2500 DH. Au souk de bétail de Had Ouled Frej, connu par toute la population des Doukkala surtout a l’approche de l’Aïd El Adha, les prix pratiqués sont vertigineux. Même si les moutons sont disponibles, le choix reste rare pour la majorité des bourses. Puisque les moutons sont cédés a partir de 1750, voire 2000 DH pour des bêtes qui sont au-dessous de la moyenne.

Un mouton moyen a atteint 2600 DH, celui qui pèse 28-30 kilos est cédé a prés de 3000 DH. Le plus consistant caracole a 4500/5000 DH. Les personnes interrogées ont estimé que les prix des moutons sont hors de portée. En effet, a quelques jours de la fête de l’Aïd El Adha a Eljadida, les prix des moutons semblent dépasser l’entendement dans certains endroits proches de la capitale des Doukkala. Par rapport a l’année précédente, les citoyens devrons cette année débourser un peu plus pour acquérir un mouton de l’Aïd « potable ». Au sujet de ces prix des moutons excessifs, la majorité des citoyens disent que cela contribue encore plus a la diminution de leur pouvoir d’achat, déja fortement érodé. c’est pourquoi plusieurs familles ont décidé cette année de se cotiser pour acheter un veau co»tant entre 6000 et 7000 DH.

partir du moment où le mouton est choisi pour être destiné au sacrifice, il devient presque sacré, on lui fait boire différents breuvages, le matin de l’Aïd. c’est après la prière que le mouton peut être égorgé, généralement c’est autour de 8h30. Le sacrifice doit être accompli par un homme pieux qui tranche la carotide de la bête dont la tête est dirigée vers La Mecque. Dès que le sang jaillit tout devient important dans l’animal. «Jadis les femmes, raconte Oumi Zineb, recueillaient le sang pour l’utiliser a des fins curatives, la peau de la tête est considérée comme le meilleur tapis de prière et la vésicule biliaire a des vertus extraordinaires.

Le premier jour, selon les us et coutumes, le mouton n’est pas entamé n’importe comment. Les Doukkalis commencent par «boulfafe» (morceaux de foie enrobés de crépine grillés). Le soir, on mange du couscous préparé avec l’épaule droit qui, désossée permet d’y lire l’avenir : la bonne récolte, un bonheur quelconque, les jeunes filles peuvent distinguer les silhouettes d’éventuels prétendants Et aucun repas ne saurait se terminer sans le fameux verre de thé.». Autrefois, renchérit Oumi Zineb, le soir de l’Aïd, les gens se livraient a des festivités et a des rituels tels que le «Sbâa Boulabtayene»(le lion aux sept peaux de mouton). Les festivités pouvaient durer sept jours.

Le jour de l’Aïd donne a la vie sociale une coloration particulière. Tôt le matin, les psalmodies du Coran fusent des mosquées où les hommes se retrouvent pour la prière de l’Aïd et l’odeur de l’encens remplit les foyers. Après quoi, c’est toute une activité débordante qui s’installe. Activité où la gastronomie a une part essentielle. Le repas se compose traditionnellement de«boulfafe». «J allume le canoun et le vent fait rougir les braises pour faire “chwa” (boulfafe)», nous a dit Amina, mère au foyer. Et de poursuivre : «Le mouton égorgé, il me faudra deux heures pour parvenir a bout de toutes les tâches du jour. table on s’attarde sans souci du temps qui passe. Après le déjeuner, les maîtresses de maison commencent une longue série de corvées domestiques».

Métamorphoses

Selon Hadj Kaddour, un vieux jdidi: «Autrefois, l’Aïd avait aussi ses traditions. c’était une occasion pour la famille et les amis de se retrouver pour échanger les vœux de l’Aïd. La communion entre les voisins était profonde et peut aller jusqu a offrir un mouton aux familles pauvres. Mais les temps ont bien changé, on n’égorge plus le mouton comme avant.

L’évolution du mode de vie a entraîné de nouvelles habitudes, les gens n’ont pas appris les techniques du sacrifice comme le faisaient leurs ancêtres. Aujourd hui le sacrifice du mouton se fait par des bouchers ambulants qui font le tour des zones urbaines et fixent leurs tarifs entre 150et 200 DH par tête d’agneau. Le sacrifice et son sens demeurent ancrés. Mais les modes ont changé, même les réjouissances ne semblent plus avoir le même go»t».

ABDELMAJID NEJDI
Le Matin

Auteur/autrice