Tcharmil

On connaissait les faits et on les redoutait, mais on ignorait le terme qui leur est spécifiquement et officiellement attribué « Tcharmil ». Comme une reconnaissance et une légitimation.

« Tcharmil » est un néologisme vulgaire et provocateur, a l’image de ses fondateurs et de ses adeptes. Il peut être l’équivalent de ce qu on appelait autrefois « siba » ou plus précisément, « bled siba ». Un terme qui qualifiait le moment critique où l’Etat perdait le contrôle sécuritaire du pays et laissait ses habitants, en pâture, a des hordes de hors – la- loi, armées et déchaînées qui agissaient en toute impunité dans les villes comme dans les campagnes. l’effroi et l’épouvante qu elles créaient faisaient souhaiter aux gens, autrement dit, « La tyrannie de l’Etat plutôt que l’anarchie ».

« Tcharmil » désigne, de nos jours, une forme de délinquance avancée et aggravée par des actes criminels violents dans lesquels les sabres rivalisent avec les couteaux de toutes tailles, les barres de fer conçues pour faire le maximum de dégâts et autres objets tranchants avec l’intention froide et délibérée de donner la mort ou, a défaut, de s’en approcher. Ce phénomène a créé, par conséquent chez les citoyens, un état de panique et un sentiment d’insécurité avec lesquels ils vivent depuis maintenant des années aussi bien dans les petites villes que dans les grandes métropoles.

Face a ce problème inquiétant, les responsables ont adopté jusqu ici des conduites équivoques, des attitudes contrastées qui ont réconforté les criminels et rajouté a l’anxiété des habitants. Tantôt ils en ont purement et simplement nié l’existence, tantôt ils en ont minimisé la gravité et l’importance, tantôt encore, ils ont fait des promesses de le combattre mais n’ont rien entrepris. Aujourd hui, le dossier est passé entre les mains de Sa Majesté qui a donné des ordres fermes pour qu on s’en occupe sérieusement et depuis, nous entendons des déclarations plus réalistes et plus cohérentes.

Pour lutter contre ce phénomène et l’éradiquer, il faut certes, en chercher les causes dans le chômage endémique, dans l’alcoolisme ravageur et dans la drogue dévastatrice. Mais tous ces éléments regroupés n’indiquent que des facteurs qui en favorisent l’éclosion et le développement et non pas les raisons qui en justifient l’existence ou qui en pardonnent les forfaits. De plus, la gravité de la situation et l’urgence de l’intervention imposent l’action plutôt que la méditation. Il faut, a notre avis, mobiliser tout le dispositif de l’Etat dans le cadre d’un plan de travail de longue durée. Il faut augmenter significativement les effectifs des agents de sécurité, améliorer sensiblement leurs conditions et moyens de travail. Il faut réviser l’arsenal juridique et l’adapter au sérieux de la situation par l’instauration de sentences plus sévères car c’est seulement lorsqu une peine est ressentie comme telle par le coupable qu elle devient dissuasive. Jamais une peine ne doit être inférieure a celle que le malfaiteur inflige a ses victimes car qu est-ce que quelques mois ou quelques années de prison pour un criminel irréductible qui viole, qui tue, qui provoque des handicaps permanents, qui installe la terreur, paralyse le cours de la vie et donne du pays une image exécrable ? Tout au plus, un séjour aux frais des contribuables qui le nourrissent et l’entretiennent et aux soins d’associations qui lui inventent des droits et les lui défendent au point de se transformer, a leur insu, en incitatrices aux crimes plutôt que de rester des défenseurs de droits.

Nos propos, en apparence sévères, sont dictés par les sentiments que suscitent les récits singulièrement horribles des innocents vulnérables a qui on a extorqué les biens, qu on a blessés dans leur chair et qu on a atteints dans leur dignité avec une férocité et un cynisme rares. Ils sont également dictés par la crainte d’un danger qui s’amplifie et se propage comme une épidémie menaçante. Mais ils n’excluent pas les actions préventives d’éducation et de formation, d’encadrement et de suivi. Un programme long et ambitieux qui ne peut être conçu et accompli que dans la quiétude et la sérénité.

Ahmed BENHIMA
Fait a El Jadida le 22/04/2013

Ahmed BENHIMA
Eljadida.com

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