Le réseau de lecture publique au Maroc, un ambitieux projet mais le suivi laisse a désirer)

10 médiathèques, dont 7 ouvertes, et 60 bibliothèques points de lecture satellites;
Après un an et demi d’ouverture, la plupart des médiathèques ne prêtent pas encore de livres a domicile pour absence de règlement intérieur La 14ème édition du Salon International de l’Edition et du Livre de Casablanca s’ouvre cette année après un an et demi du lancement des premières médiathèques dans le cadre du programme du réseau de lecture public. Ce dernier est initié en partenariat entre le ministère de la Culture, le service culturel de l’Ambassade de France et le ministère de l’Intérieur a travers les municipalités et provinces qui accueillent les médiathèques et leurs bibliothèques satellites.

Au total, dix médiathèques dans les villes et provinces d’EL Jadida, Fès, Meknès, Larache, Tiznit, Khouribga, Béni Mellal, Taza, Oujda, Ouarzazate. Sont prévues dans le programme RLP, 60 points de lectures satellites (PLS).

Il s’agit de bibliothèques a raison de 6 par médiathèque. Le SIEL est une occasion de débattre de la lecture publique qui reste encore en deça des besoins réels, selon les normes de l’Unesco. Dans une ville comme Casablanca, il n’y a justement pas vraiment de réseau de lecture publique.

Au sein du salon, les directeurs des dix médiathèques seront présents entre le 12 et le 15 février pour un séminaire de formation dans le cadre d’un « premier séminaire des bibliothécaires francophones du monde arabe », a côté de bibliothécaires Tunisiens et Libanais sous le thème « l’animation en médiathèque ».

L’occasion ici est de faire un premier état des lieux du lancement de ces nouveaux instruments d’animation et de lecture calqués sur l’expérience française des médiathèques.

Le programme du réseau de lecture publique a pris le départ depuis 2003.

A l’origine, il devait y avoir 11 médiathèques mais on ne parle plus que des dix citées plus haut. Les médiathèques comportent chacune, suivant la superficie, entre sept mille a dix mille ouvrages, 5O% en français et 5O% en arabe. En espagnol et en anglais, il y a surtout des dictionnaires. La cible des documents est de 30% pour chacune des catégories enfants, jeunes et adultes. La première médiathèque a être ouverte est celle de Tiznit, le 14 avril 2006. Deux médiathèques attendent encore d’être ouverte, celles de Meknès et Oujda. Celle de Fès n’a pas encore été créée alors que la ville fête cette année 2008 le 1200ème anniversaire de sa fondation. Et 2008 justement marque la fin du programme de lecture publique.

A la médiathèque Driss Tachfini d’El Jadida, ouverte vers la fin du mois d’avril 2007, on n’est pas encore au registre des adhérents. Elle n’est pas la seule d’ailleurs dans ce cas. Les lecteurs viennent consulter les livres sur place, mais il y a encore des aménagements.

c’est le manque d’effectifs qui nous a obligés de surseoir au registre d’adhérents, nous étions a peine quatre personnes pour gérer la médiathèque et procéder a nombre de travaux comme la plastification des bouquins, leur classification sachant qu il s’agit de dix mille livres déclare M. Abdallah Slimani, directeur de la médiathèque Driss Tachfini.

En quelques cinq mois, de mai a octobre, sans compter le mois d’aout (fermeture annuelle), la médiathèque a reçu près de 30 mille visiteurs.

Pourtant, c’est le bouche a oreille qui a prévalu. Un reportage de la première chaîne de télévision a été effectué lors de l’inauguration le 25 avril, mais n’a pas été diffusé, déclare le directeur. Celui-ci explique qu avant, il y a avait la bibliothèque municipale, le seul endroit de lecture publique. Mais cette bibliothèque offrait l’aspect d’une bibliothèque universitaire selon M. Slimani, car elle n’était pas accessible aux moins de dix-huit ans.

Il ne faut donc pas s’étonner si la médiathèque est envahie surtout par les enfants et jeunes. Plus de 80% des visiteurs sont des jeunes de moins de 20 ans et 50% ont moins de 16 ans, ce qui est de très bon augure. d’autant qu elle jouit géographiquement d’une situation stratégique entre plusieurs établissements scolaires publics et privés a proximité du quartier Parc Hassan II.

Il n’y a pas eu de budget jusqu a présent de la part de la municipalité. Il y a pourtant une convention de partenariat signée. Il ne reste que des initiatives de dernier ressort, notamment l’appel aux bénévoles comme ce prof français retraité qui anime un salon littéraire, une rencontre carrefour de civilisation.

La Direction régionale de la Culture apporte son soutien

Il faut signaler que les médiathèques de Larache, El Jadida et Ouarzazate ont des directeurs détachés du ministère de la Culture. Autrement dit, les autres directeurs et l’ensemble des travailleurs dépendent, pour le salaire, de la municipalité.

La médiathèque d’El Jadida est en fonction malgré le peu de fonctionnaires.

Depuis le début, il y en avait quatre qui doivent s’occuper de tout pour avoir une médiathèque ouverte au public au moins dix heures par jour. c’est très difficile car il faut deux groupes pour le faire dans les normes. Par initiative privée, le directeur prend attache avec l’Anapec pour engager deux jeunes diplômés qui apprendront le métier en attendant une intégration. Mais où sont les points de lecture satellites ? Comme pour les autres médiathèques, il s’agit de 6 bibliothèques au programme mais seules deux sont vraiment achevées. Celle de El-Oualidia devrait être ouverte la première mais cela n’a pas été fait. De même pour les bibliothèques de Sidi Bennour et Zaouiyat Sidi Smail etc. Les bibliothèques satellites, ce qu elles gagnent en proximité, le perdent en quantité de documents. Il y a moins de documents prévus dans les bibliothèques.

Généralement, on peut reprocher aussi aux médiathèques qui doivent fournir en ouvrages leurs bibliothèques satellites de manquer d’ouvrages. Dix mille c’est peu. Mais la n’est pas le vrai problème car ce dernier réside dans le fait que les fonds doivent être augmentés chaque année de 5% a 7%.

Jusqu a présent, il n’y a pas de budget d’acquisition sans lequel les bibliothèques vont mourir comme un patrimoine sans entretien régulier.

Le programme de lecture publique a un atout majeur qui réside dans la jeunesse des directeurs des médiathèques. A ce niveau, le choix est judicieux. l’esprit n’est pas celui de simples fonctionnaires intéressés uniquement par le salaire de fin de mois, mais il s’agit de personnes animées par l’esprit d’initiative. Il ne faudrait pas croire cependant qu ils peuvent vivre d’espoir militant et de bons sentiments. Car ils risquent d’épuiser leur fonds d’espoir au cas où l’environnement (gestionnaires locaux et société civile) ne croit pas foncièrement a ces projets de médiathèques, a moins qu il ne s’agisse de décor luxueux de façade.

On parle a mots couverts de blocages. Pour dix heures d’ouverture, il faut avoir au moins un staff de 12 personnes au moins pour une médiathèque.

D après des informations, excepté les médiathèques de Khouribga et Béni Mellal, les autres souffrent de manque de personnel. 4 personnes pour la médiathèque Driss Tachfini d’El Jdida.

On a pensé a la création d’un comité local de gestion qui comprend le directeur de la médiathèque, le directeur de la délégation régionale de la Culture et la municipalité pour décider de l’avenir de la médiathèque en concertation. Malheureusement, après le départ d’un conseil élu de la municipalité, il faut attendre l’installation du nouveau et il n’est pas s»r qu il y ait continuité.

L’idée de mettre des jeunes formés dans les métiers de médiathèque, c’est vouloir changer l’environnement et bousculer des mentalités bien ancrées. Des petites gouttes pour abreuver le désert, diront les incrédules. Est-ce vraiment être pessimiste que de tenir pareils propos ? On craint en effet que ceux qui viennent introduire du changement dans leur environnement ne soient eux-même changés comme cela arrive souvent. Et il faudrait que cela n’arrive pas. Pour se faire, il faut que tout le monde s’implique au niveau local.

Changer la donne c’est l’espoir justement. Mais l’espoir peut rester un vœu pieux sans la contribution et l’implication de toutes les composantes de la société autour des points de lectures et des médiathèques. Il s’agit surtout du suivi. Quand les structures existent, il faut constamment les entretenir, les rénover et motiver ceux qui y bataillent au quotidien.

Sad AFOULOUS
Lopinion.ma

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