Le vagabond, la face cachée d’une histoire (2)

« Quelque part, au nord du Maroc, dans un douar perché au pied d’une montagne, de la chaîne du Rif, a quelques heures de route de la grande ville de la région, fin des années soixante, un après- midi ensoleillé du mois de mai. Mokhtar, alias Jbilou alias Ould Rahma, décida de partir travailler en ville. c’était quatre mois jour par jour, après les fortes pluies qui ont dévastées tous les biens de sa famille et ceux de la totalité des autres habitants du Dchar. Un orage d’une rare intensité accompagné d’une pluie torrentielle, suivi d’une crue, qui le temps d’un matin avait englouti le tout sur son passage. Devant cette situation inattendue. Mokhtar pris enfin la décision d’aller tenter sa chance, en ville pour pouvoir bonifier sa vie de modeste Fellah et fuir ce patelin, sentant la misère et la privatisation. Il travaillera pour améliorer sa vie, celle de sa mère et ses deux autres frères mineurs.

Profitant de la présence de sa petite famille dans la cour du domicile, Mokhtar annonça la nouvelle a sa mère. Au début sa mère pensait a une plaisanterie, mais devant l’insistance de son fils, elle s’éclata en sanglots, devant les regards de ses deux autres fils.

Le domicile familial de Mokhtar est l’un parmi une vingtaine d’autres formant le Dchar, où il a vu le jour. Le lieu où ses ancêtres sont enterrés. Le dernier en date était son père. Il est composé de trois chambres, une cuisine, un hall et une écurie pour le bétail. Un figuier planté par son grand père au milieu de la demeure, vieil d’un demi siècle, donnant l’aspect d’un parasol, sous lequel la famille préféra s’installer presque toute la journée. La maison est construite en dure, sur une plate forme d’un hectare, entourée d’un jardin planté d’arbres fruitiers, encerclée par des figues barbarie. Un puit, surplombant le jardin, d’une quarantaine de mètres de profondeur, creusé par ses ancêtres au début des années trente. Il servait a alimenter, en eau potable, aussi bien le jardin que la maison.

Le père de Mokhtar s’appelait M Fadel, son grand père s’appelait Hadj Hammou, un ancien Cheikh du douar, au temps du protectorat. Après sa mort, Hadj Hammou, alias Gharbaoui ( sa famille d’origine du Gharb), laissait plus de deux cents hectares, plantés d’oliviers, d’arbres fruitiers et un important cheptel d’ovins et bovins, mais beaucoup d’enfants, une vingtaine, il était polygame. La part du M fadel de l’héritage de son père n’a guère dépassé une dizaine d’hectares et quelques bêtes. F fadel mourra un soir d’hiver en chutant de son mulet. Il s’était cogné la tête contre le parapet du vieux pont de l’oued qui traversait, le seul chemin reliant le douar au Caïdat. c’était un mardi, le pauvre revenait ce jour-la du souk hebdomadaire de la commune. Faute de moyens d’évacuation sur l’hôpital, M fadel était transporté chez lui, en attendant le lever du jour. A son arrivée a son domicile, il était conscient. Il a même reçu la plupart des habitons du Douar. Au petit matin, il tomba dans un coma profond, évacué en ville, il succomba deux jours après son admission a l’hôpital. Il avait a peine cinquante ans. Tous les habitants du Dchar se rappelaient de cette maudite et triste soirée. Il était un homme, pieux, généreux, courtois et toujours disponible.

Rahma, ou communément appelée Rhimou, son épouse, la mère du Mokhtar, était la fille unique d’un modeste fellah du douar limitrophe. Elle n’avait hérité de son père qu une petite parcelle de terrain, où son mari assolait quelques variétés de légumes. Elle est âgée de quarante ans, veuve depuis presque cinq ans. Après sa mort, son époux lui avait laissé trois garçons : Mokhtar quinze ans, Mohamed treize ans et Salah dix ans. Il n’a pas eu de filles. Actuellement, Mokhtar, est âgé de vingt ans, c’est l’aîné de la famille, il sait lire et écrire l’arabe, l’espagnole et le français. Son père l’avait inscrit au début des années cinquante dans une école distante du douar d’une dizaine de kilomètres. Il abandonnait ses études après avoir décroché son certificat d’études primaires. Par manque de moyens, il n’a pas pu poursuivre ses études en ville. Mohamed, le cadet, il est âgé de dix-huit ans, mais avait la corpulence d’un homme de vingt ans. Il est analphabète, mais un agriculteur chevronné. Salah, le benjamin, n’avait que quinze ans, il était et il est toujours le chouchou de la famille, doté d’une intelligence sans égale a son âge. Il savait lire et écrire l’arabe, il avait passé trois ans au Msid du douar et deux ans a l’école de la commune. Il peut même compter jusqu a cent et prononcer quelques mots de la langue de Molière.

Depuis longtemps, précisément depuis la mort de son père, Mokhtar souhaitait allait en ville, a Tanger précisément, pour travailler et rompre avec cette monotonie de la campagne. Sa mère Rahma, elle aussi souhaitait bien que son fils aîné, aille tenter sa chance en ville, comme la plupart des adolescents du douar. Elle était sure que son fils, réussirait sa vie en ville, elle le connaissait et connaissait fort bien ses ambitions. Il ressemblait a son père. Il est travailleur et assidu, disait toujours a ses voisines. c’était uniquement des dires, mais dans son for intérieur, elle ne voulait a aucun prix, se séparer de sa progéniture. Il est pour elle, le patron du foyer. Devant la nouvelle conjoncture et les pertes qu a subies la famille après le passage du dernier orage et l’insistance de ses autres fils, elle s’est pliée a la volonté de son fils, non sans remord. Enfin, Mokhtar avait la bénédiction de sa mère pour quitter le douar. (a suivre)


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