Lettre ouverte a Monsieur le Gouverneur de la Province d’El Jadida Au sujet des Taxis de la Mort

Je reçois un appel a 22 heures pour me rendre d’El Jadida a Casablanca d’urgence. J arrive a la gare Routière de l’avenue Mohamed V pour prendre un taxi, a cette heure ci de la nuit, le dernier train en direction de Casablanca est parti a 19 heures trente.

La première impression qui vous habite a votre arrivée c’est l’anarchie qui gouverne les lieux. Le voyageur qui débarque a la gare routière ne sait pas de quel côté se trouve le taxi qui va prendre le départ, est-ce celui qui est au bout de la rue ou stationnent la plupart des vieilles Mercedes 240, est-ce celles qui longent le boulevard, y a-t-il un ordre a respecter ou est-ce sur la tête du client, du chauffeur de taxi j entends ??? Bref, pour le voyageur pressé que je suis, qui débarque tard dans ce souk désordonné, je suis conduit dans une Mercedes 250 en premier lieu, avant d’être acheminé vers une vieille Mercedes 240 toute cabossée et qui doit avoir au moins une trentaine d’année. On est vite entassés comme des sardines, deux a proximité du « chauffard » et quatre dans le siège de derrière, en tout le conducteur de l’engin va empocher 300 dirhams par voyage (50 dhs x 6= 300 dhs). Faites le calcul pour le mois…

Le départ est pris a 22 heures 20 mn de la gare routière d’El Jadida sur le vieux tacot, en direction de Casablanca. Assis a l’arrière du siège, je me sens écrasé, mixé, malaxé, ballotté entre ciel et fer, coincé dans mon coin, a l’arrière de la trentenaire allemande. Le Véhicule qui transporte sept âmes humaines apeurées et livrées aux esprits bienveillants de la roue, roule a vive allure et dés la sortie de la ville d’El Jadida. J espérais qu il prenne la direction de l’autoroute, loupé !! Pas pour cette fois-ci, le dangereux chauffard ne veut pas payer les 26 dirhams de l’autoroute, il prend la Nationale El Jadida-Casablanca, la route de tous les dangers, le chemin des adieux…

Les premiers Kilomètres nous mettent dans le bain, le conducteur double tous les engins sur son passage, y compris dans les virages et les lignes continues. De même, les feux du véhicule qui nous contient sont déficients et très faibles, si bien qu a chaque virage dangereux, les roues du « tombeau en déplacement » mordent gravement sur la piste extérieure. l’état des pneus n’est pas au mieux, de ma place a l’arrière du taxi je ressens les vibrations catastrophiques de l’essieu sur l’asphalte. Les passagers sont tous sur leur nerfs, la peur les immobilise, cramponnés a leur siège qu ils espèrent ne pas être le dernier de leur vie d’ici bas. un moment donné, tous les passagers se sont mis a hurler devant le danger, c’est que notre chauffard analphabète était entrain de doubler un camion, tout en collant a l’arrière d’un semi remorque qui lui-même doublait a son tour mais difficilement le même camion. n’importe quel véhicule pouvait survenir a ce moment en sens inverse et percuter le bolide qui était devant nous.

– Ne râlez pas, je sais ce que le fais !!!! nous dit-il face au mécontentement général…

Mes amis, le reste du voyage n’est pas tendre avec les passagers, et c’est en pièces détachées qu on atterrit au Maârif.

Dans chaque voyage de ces tombeaux en déplacements, nos vies sont hélas mises entre les mains de vrais assassins que nul ne peut arrêter dans leur course effrénée vers la rencontre de la mort violente et certaine. d’ailleurs a tout moment et a toute heure, les nouvelles nous arrivent sur l’hécatombe de la route et a fortiori celle qui relie la capitale des Doukkalas, El Jadida a la capitale économique Casablanca…

L’article que voici est un plaidoyer adressé a Monsieur le Gouverneur de Sa Majesté de la Ville d’El Jadida, en défense de ces voyageurs innocents qui se trouvent un jour ou l’autre, obligés par les circonstances de la vie, a voyager avec les grands taxis blancs, prisonniers entre les mains de chauffeurs dont certains sont sales, inhumains et incompétents, pendant de leurs heures, entre la peur de perdre la vie ou l’arrivée dans des brancards malfamés a leurs destination future…

Au nom de tous les voyageurs d’El Jadida je vous exhorte Monsieur le Gouverneur, a entendre notre voix. Nous souhaiterions, que sous votre impulsion et sous la justesse de vos directives, que les instances qui gouvernent les métiers de la gare routière puissent un jour écouter notre hymne a la vie, qui consiste par exemple, sans tomber dans l’utopie a :

– Organiser la gare routière de façon a lutter contre l’anarchie qui y règne.
– éliminer les vieux tacots, les tombeaux en déplacement qui menacent la vie d’honnêtes gens, la vie des femmes des enfants et des hommes de ce pays.
– Obliger les chauffeurs a porter une tenue décente et correcte pour conduire.
– Diminuer le prix du transport de 50 dhs a 30 dhs pour s’aligner avec le prix du train qui n’est pas mieux loti non plus.
– Sélection sévère et rigoureuse des véhicules aptes a voyager.
– Installation dans tous les véhicules des disques de vitesse pour mieux contrôler leur tenue sur la route.
– Instaurer de sévères sanctions pour les fauteurs et les tricheurs
– Que les taxis prennent l’autoroute au lieu de la nationale, pour une meilleure sécurité des passagers.
– Installer un guichet pour les grands taxis, un guichet organisé..

Nous espérons que le présent appel ne soit pas vain, et qu il puisse permettre de tourner une page qui n’a que trop durée, une page des taxis de la mort, immaculée par le sang de nombreux voyageurs qui ont payé de leurs vies, l’inconscience de nombreux chauffeurs de grands taxis. Vive la vie, dehors les chauffards… et a bon entendeur écoute !!!!

TARIK BOUBIYA
Eljadida.com

Auteur/autrice