Mémoires d’un vieux ou Le Patriote

C était en 1949, au cours d’une nuit, comme celle-ci, un homme étranger est paru dans un village sur le côté oriental de la ville X***. Les enfants ne connaissent plus qui est cet homme ; cependant, ils l’aimaient trop, car ils ont entendu parler de belles histoires sur lui, que les grands-pères leurs racontaient incessamment. Les enfants, curieux, trouvaient l’histoire de cet homme très drôle.

Les enfants suppliaient le père Patient, un homme vieux dont les cheveux et la barbe sont devenus si blancs, et le front sillonné de rides, d» a l’âge, de leur raconter l’histoire personnelle de cet homme. Sous un arbre, plongé dans ses réflexions, pendant que tous les enfants l’entouraient, le père Patient répondit : « ce n’est pas longtemps qu un navire passait près de notre village, dont tous les habitants connaissaient l’histoire, plein de barres, semblable a une cage a oiseaux.

« On n’a pas vu auparavant ce type de bateau, mais il y a le drapeau anglais qui flotte a l’arrière. On savait que les Anglais s’en sont servi pour expatrier un bon nombre de villageois en Angleterre, et d’ici a d’autres pays plus lointains comme l’Inde ou l’Afrique. Les habitants, lorsqu ils entendirent le bruit de ce maudit bateau, fermaient leurs fenêtres. Certains d’autres, qui ne pouvaient pas supporter son bruit, pleuraient ; les enfants, envahis par la peur, regardaient leurs parents avec tristesse sans savoir pourquoi se refermèrent soudainement les fenêtres.

« Un jour, un homme captif de guerre, réduit en esclavage, escalada secrètement derrière le gardien du navire, plia a deux la chaîne de fer qui lia ses deux mains, et commençait a le frapper sur la tête Tac ! Tac ! Puis se jeta a la mer : plouf ! Un soldat le vit et cria : « prisonnier évasif tuez-le, ne le laissez pas s’évader ». Tous les soldats commençaient a tirer leurs balles, en déchargeant leurs pistolets, comme des possédés pendant que le navire continuait de naviguer. Des heures sont passées, et le bateau s’est bien éloigné. Puis le prisonnier sortit de l’eau. c’est un homme fort, très fort. Ses bras sont si musclés. On dirait que c’est un héros ou une vedette ; il est plus musclé qu un baigneur champion. Mais il était si fatigué. Les petits qui jouaient, comme de leur habitude, ont découvert son corps jeté auprès de leurs maisons. Ils l’ont emporté a un domicile plus proche. Il a perdu conscience sous l’effet de l’enfermement. On dirait qu il n’a go»té la fraîcheur du repas pendant une semaine. Les habitants, généreux qu ils sont, l’entouraient et prenaient soin de lui.

« Sa fuite du navire a suscité de nombreux problèmes aux peuples. Il y avait, dans le village, plein de soldats qui cherchaient l’homme échappé. La quête de l’objectif est devenue non plus leur unique fin, mais aussi un prétexte pour détruire toute la société civile. Dans ce village, on ne vivait pas sous la domination d’un régime d’ordre militaire. On cherchait dans les cuisines, sous les litsMalgré leurs interventions injustes, ils n’ont pas pu trouver le suspect. Ils ont cru que le fugitif était tombé sous les coups de leurs armes. Ils ne croyaient pas qu un homme qui n’a pas mangé pendant une semaine pourrait survivre.»

A ce moment la, le vieillard interrompra ses paroles et frotta ses mains, l’une contre l’autre. Il a oublié de dire que cet homme, après son évasion, est devenue parmi ses meilleurs amis ; puis il continua : « lorsque nous l’avons protégé de l’injustice des Anglais, nous savons qu il méritait ce sacrifice. Cependant, si nous voulons bien ouvrir le coffre de ses secrets, nous allons nous rendre compte qu il est originaire du nord ; il est fils d’un père vertueux et véridique. Il aime sa patrie plus que son foyer familial. Il poussait les gens a se révolter et organisait leurs colonies. Femmes et hommes tenaient dans leurs mains des plaquettes sur lesquelles il est écrit : vive la liberté ! Vive la nation ! La mort ou l’indépendance !…

« Les Anglais, pour leur part, peureux qu ils sont de la colère que manifestaient les habitants, ont pensé a le guillotiner devant tout le monde. Dans un mauvais jour, un jour très mouvementé, une corde est levée et la tête du père fut entrée dans le cercle. Un moment de silence, un morceau de bois est retiré au-dessous de ses pieds et le cadavre traîna ses pieds dans l’air. La mort du père a mis le fils dans un état d’affliction et de tristesse. Il ne pouvait plus oublier cette scène dramatique.
« Un matin, très tôt, il a pris son marteau de fer et commençait a battre les soldats anglais. Il en a tué un grand nombre et a blessé d’autres gravement. Les Anglais ont peur de la vengeance, ils l’ont emprisonné et décident de l’expatrier vers d’autres pays plus lointains. Il a compris que les Anglais lui cachaient de mauvaises surprises. La quantité très minime du repas qu on lui sert, et la garde très ferme montraient ce a quoi ils pensaient. Chaque fois qu ils le regardaient, ils commençaient a marmonner entre eux. Tous ces pronostics l’ont convaincu de sauter du navire, pour s’échapper et sauver sa vie.

« On s’est mis d’accord sur le fait qu il devint pêcheur comme nous. l’un de nos hommes lui a offert une pale, et un autre un petit bateau de pêche. Dès ce jour, on l’appelait le « Rameur ». Chaque soir, il n’oublie pas de s’asseoir en compagnie des petits a côté de la plage. Les cœurs chavirés, les têtes folles, les enfants écoutaient ses belles histoires. Quand le moment de se séparer s’approcha, il les nourrissait de délicieux poissons.
« A l’occasion des fêtes religieuses, les enfants portaient des vêtements neufs, et courraient d’une maison a une autre pour saluer les gens ; ensuite ils se réunissaient au bord de la mer. Cette dernière constituait, pour eux, un lieu saint et convenable pour s’amuser. Ils allumaient des bougies de couleurs diverses, les collaient sur de petits morceaux de bois, puis ils les mettaient sur l’eau qui les faisait bouger dans un univers factice. »

A nouveau, le vieux Patient interrompra sa parole, et jeta le bâton sur lequel il s’appuyait. Son visage devint totalement rouge. Il a oublié des séquences dans l’histoire. Un instant, il reprend sa parole et dit : « revenons par notre histoire a celle du navire dont le Rameur attendait le retour avec impatience. Un jour, lorsqu il a entendu sa voix de loin, il est allé vite a la mer. Il sauta a l’intérieur de son petit bateau ; il fait sortir une arme a feu qu il cachait dans un coffre qu il plaçait en arrière de son bateau, puis il se met a ramer en direction du navire qui s’approchait a toute allure vers lui. Le conducteur du navire vit sur son chemin le petit bateau et commençait a avertir le Rameur afin de changer sa direction. Le Rameur, au lieu de s’éloigner, prend son arme, vise et tire sur le conducteur. Il l’a tué. Après, il a commencé a la décharger sur les autres soldats. Des détenus profitaient de ce bon moment et se hâtaient de sauter dans l’eau pour sauver leurs peaux.

« Le premier novembre, 1960, les Anglais ont mis tout le pays en mouvement. Ils étaient s»rs qu il existait d’autres hommes plus braves et capables de manifester leurs colères contre eux. l’arrêt du Rameur était une preuve pour tuer les innocents. Face a ce fléau du colonialisme, les hommes du pays ont été bien préparés pour attaquer les Anglais ; ils ont demandé au Rameur d’aller se cacher pour que les soldats ne le retrouvent pas. Pourtant, celui-ci lève ses bras en haut et déclara : « nous sommes tous frères ! Nous allons les battre tous. »

« Les Anglais ont affranchi les frontières et ont occupé la ville. Ils tiraient sur n’importe quoi, sur tout ce qui peut bouger devant eux. Les habitants, pour leur part, luttaient comme des barbares. Les soldats ont tué un bon nombre des habitants par leurs balles. Le Rameur tirait et tirait, puis il a pris sa rame pour continuer de combattre. Sa façon d’attaquer était si singulière. Un coup suffisait pour tuer le rival. On dirait que c’est un byzantin. Mais, il a reçu une balle traçante dans sa poitrine ; l’homme courageux devint, en un instant, un corps inerte qui saigne. Le sang coulait et coulait de son corps vers la mer, la où il va se mélanger avec l’eau, avant de se diriger vers le sud.
Ce soir, les gens ont beau cherché le corps du Rameur, mais c’est en vain. Ni son bateau, ni sa rame étaient trouvables. Tous s’inquiétaient de son sort. Ils répétaient tous a la fois, et a plusieurs reprises : « si la vie est une punition, on doit en souhaiter la fin. Vive la liberté !»»

MAKAN Abdeltif
Eljadida.com

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