REPORTAGE : Les capitelles des DOUKKALA, richesses a découvrir et a faire promouvoir

En traversant a la rose des vents les communes rurales d’Ouled Bouaaziz relevant de la province d’El Jadida, l’une des sept merveilles des Doukkala meuble le champ visuel et attire en vous le désir d’en dévoiler le secret. Ce sont des “oustalets” communément appelés “les tazota”.

Ces cabanes en pierres sèches, autrement dit les “capitelles”, construites a degrés de réduction et implantées sur les cotes de la commune d’Ouled Rahmoune, Chaaibat, se mettaient curieusement a se casser la figure les unes après les autres.

Le mot capitelle qui vient de “capitèla” dont Louis Alibert a consacré un article dans son dictionnaire des parlers languedociens, a fait une percée décisive au sein du grand public français où la construction de capitelle foisonne dans le Midi de la France en raison de l’abondance des pierres et de défrichement des terres.

Ces capitelles, constructions rondes, rectangulaires ou carrées, auréolées d’un certain mystère, demeurent énigmatiques puisqu on ignore a peu près tout de leur âge, de leur destination, de leur mode de construction.

Faute de pouvoir tomber sur des documents la où il faut, nous avons décidé de répondre a l’invitation au voyage. Et, voyager, c’est aller vers quelqu un. Il a fallu pour démystifier leur secret, parcourir le terrain pied a pied.

Nous avons quitté douar LAKOUARA, douar Nassima EL HOR -mes hommages Madame- pour embrasser la première cabane qui nous a subjugué au point que les chiens qui s’acharnaient sur nous ne nous ont nullement impressionné. Et les bombardements commencent laissant libre court a l’appareil photo.

Les capitelles sont construites avec une minutieuse compétence. La qualité de ces ouvrages permet de penser que leur construction a été sous-traitée a des professionnels dont l’habileté manuelle est sans conteste supérieure. Ne dit-on pas qu on reconnaît l’arbre a ses fruits ?

Pour comprendre les circonstances de l’apparition de ces cabanes et lever la confusion qui règne généralement sur la technique de leur construction, il faudrait retrouver les traces de ces maçons de pierres sèches. Or le seul spécialiste en la matière a été éteint il y a deux ans a peu près, nous déclare Mustafa, un des propriétaires de la plus capitelle de plan extérieur circulaire et de plan intérieur carré, a douar Lahrata relevant de la commune Ouled Rahmoune. “Les uns l’appellent Tazota, nous on l’appelle Cazota, rarement Nouala nous précise notre interlocuteur”.

Devant la beauté majestueuse de cette bâtisse, force est de mesurer la patience et l’opiniâtreté du mâallem, son savoir faire, son go»t du Beau, Moustafa nous souligne fièrement que la “Cazota que vous voyez a été bâtie par feu mon père en personne, il y a de cela plus de cinquante ans. Nous y sommes nés et y avons grandi. Nous ne lui avons jamais demandé comment il avait procédé pour édifier cette cazota. Mais a chaque fois qu il en parlait, il le faisait avec nostalgie. c’est pourquoi, moi, après sa disparition, je l’entretiens comme s’il était encore parmi nous.

Rappelant que ce type de construction est toujours situé sur des terres pierreuses. Moustafa Nioua affirme que la cazota servait de logement pour son propriétaire car la pierre est le seul matériau de construction disponible a l’homme dans cette région du Royaume. c’est ainsi que la capacité d’adaptation de l’homme a son environnement se met a l’épreuve. Laquelle adaptation se révèle tout particulièrement a travers son savoir faire quant a son habitation. Ajoutons a cela qu il doit y avoir une certaine correspondance entre la qualité de l’habitat et le niveau de vie des habitants.

En effet, habiter une capitelle était un privilège, car on avait d’autant plus de terres qu on avait plus de pierres. Et l’on sait combien l’opération d’épierrement requiert en main d’œuvre ; et la catégorie sociale qui en offre constitue la frange la plus importante en genre et en nombre. La diversité de construction de ces cabanes en pierres sèches et de leur taille exige de la pierre une certaine forme. c’est pourquoi il faut que le matériau soit en grande quantité.

D une épaisseur de deux mètres environ pour le premier degré, le mur s’arcboute légèrement au fur et a mesure qu il monte pour former, a partir du deuxième degré, la coupole circulaire ou toiture en encorbellement dont le sommet est bloqué par un type d’appareillage savamment taillé et posé qu on appelle la clef de vo»te.

Dans la vo»te en encorbellement, les pierres de chaque assise ont un devers extérieur qui permet d’évacuer les eaux de ruissellement et éviter toute infiltration. Ces pierres sont plates, retouchées et équarries au marteau.

Notre passage a Ouled ZID, douar de M. Moustafa SAHEL que nous saluons de passage sans oublier d’adresser a notre confrère Mohamed DOU RACHAD un grand salamalec du Maroc au Canada, n’a pas été sans intérêt puisqu on nous a donné d’autres idées que nous mettons a jour le moment opportun.

Dans la commune Châaïbat, nous avons découvert un autre type de construction de cabanes. Il s’agit en effet de capitelles a usage agricole : ce sont des capitelles a deux degrés, de plan extérieur carré et de plan intérieur elliptique : conique ou ovale.

Les défricheurs entreprenaient l’épierrement pour mettre en culture leur sol rocailleux. La pierre envahit le terrain. Etant dans l’incapacité de s’en débarrasser faute de moyens et de temps, le propriétaire, avec l’aide que lui offre les siens et sa tribu se met a évacuer la pierre au plus près, sous forme de “clapas”, entassements de pierres, parementés avec soin pour libérer le plus d’espace possible a la culture. Les pierres sont donc mises en tas (tas aux tas).

Ces cabanes carrées aux toits élevés ont au flanc droit une sorte d’escalier qui pourraient, a chaque degré, faciliter l’ascension et le travail lors de la construction de la capitelle ou, le cas échéant, de sa construction.

L’entrée et la fenêtre de ces bâtiments sont montées d’un linteau monolithe renforcé d’une ligne de claveaux cimentés par leur disposition ingénieuse, l’un entretenant l’autre.

Dans la même commune, nous nous sommes aperçu que toutes les maisons, a quelques exceptions près, ont leurs cazota (tazota). Nous avons appris que “Certaines servent encore de refuge contre la chaleur, d’autres de grenier, d’autres pour l’engraissement de bovins.” A propos, l’état de santé du veau élevé dans la tazota est indéniable et la qualité du produit carné est appréciée.

Etant a l’origine réservées aux gens prestigieux, certaines capitelles sont toujours couvertes de mortier a la chaux. Elles sont encore bien aménagées pour servir de lieux de discussion autour d’un thé a un moment précis de la journée.

Une autre destination, une autre découverte. Avant de traverser la Forêt de l’Avocat, une capitelle dissymétrique, ronde d’un côté, carrée de l’autre, au toit bosselé en pain de sucre. Isolée, derrière un pan de cactus, cette cabane est convertie a l’usage pastoral. Comme d’ailleurs beaucoup des ses semblables, elle est délaissée par ses propriétaires, fascinés par le béton. Et ce sont les animaux qui y viennent chômer les heures les plus chaudes de la journée.

Avec le lessivage permanent des dols, les agriculteurs s’ingénient a édifier d’autres types de constructions en pierres sèches. Ainsi, le “toufri” (le trou frais). Une architecture autre. Il serait, d’après nos renseignements, l’ancêtre de la tazota. Il s’agit, comme son nom l’indique, d’une cave creusée dans la roche, desservie par une suite de marches, en forme d’escalier, surmontée par une construction parallélépipédique rectangulaire d’un mètre de hauteur avec un entrée rectangulaire surmontée d’un linteau monolithe.

Les propriétaires de ces capitelles disparaissant un par un, celles-ci perdent de leur intérêt et de leur utilité, outragées par les ans et l’abandon. Beaucoup d’entre elles perdent, l’une sa lause apicale, l’autre son parement extérieur, une autre encore son linteau, entraînant dans sa chute un pan de son toit.

La construction en pierres sèches ne se limite pas a en faire des capitelles, des trous frais, mais aussi des murs épais et hauts pour délimiter les terrains, en faire des enclos pour le bétail…

Finissant en beauté, Ahmed qui nous a accompagné toute l’après-midi, nous confie qu il se faufilait avant tout le monde et attendait “la mère de mes enfants me rejoigne avec son sac de jute pour l’herbe. Notre amour est solide comme l’assise de la tazota.”

La tazota est unique au Maroc et nulle part au monde, nous lance Bouchaïb. En France, il y en a, dans le Midi. En voila une preuve a Villevieille dans le Gard.

Constituant l’une des merveilles des Doukkala, la capitelle est l’objet d’un grand chantier ouvert par une équipe de trois personnes, motivées par le souci de promouvoir le tourisme rural dans la région.

Abdelkrim MOUHOUB