Sortie ornithologique hispano-marocaine dans les lagunes de Sidi Moussa

La météo avait prévu une journée pluvieuse et venteuse ce dimanche, sur la côte doukkalie Elle fut en outre copieuse et studieuse. Du moins, pour une bande de copains, passionnés d’ornithologie Des « oiseaulogues », comme je les appelle. Des spécialistes et des amateurs d’oiseaux sauvages avaient voulu en effet mettre a profit ce premier week-end de printemps pour se rencontrer sur les bords des lagunes de Sidi Moussa et de Oualidia, et assister au spectacle grandiose des grands oiseaux migrateurs avant leurs grandes migrations vers l’Europe.

Nous nous étions donc donné rendez-vous a l’entrée de la lagune de Sidi Moussa: Une cinquantaine d’ornithologues et d’amateurs, venus de Meknès, de Fès, de Rabat, de Casaet d’El Jadida tous membres du Gomac, le Groupe d’Ornithologie du Maroc et une vingtaine de jeunes spécialistes espagnols, membres du G.I.A ( Groupo Ibérico de Anillamiento) venus tout droit de Léon, la capitale de la Castille-Léon, cette province espagnole la plus étendue de toute l’Europe.Pour venir nous rejoindre, nos amis ibères avaient traversé toute l’Espagne, depuis les abords de Saint-Jacques de Compostelle, haut lieu de pèlerinage chrétien , a la pointe ouest de la péninsule ibérique et mis a profit de la semaine de vacances de Pâques pour s’enivrer des battements d’ailes et des cris des oiseaux sur les côtes atlantiques marocaines .La rencontre fut émouvante et très amicale. Car nous ne nous connaissions jusque la que par le travail des uns et des autres pour la protection des oiseaux sauvages et les résultats des recherches publiés dans les revues ou les sites spécialisés. Le Gomac, sous la houlette de Jacques Franchimont, éminent ornithologue, professeur a l’université de Meknès, a publié récemment, sous le parrainage de Holcim, un somptueux ouvrage sur « Les oiseaux du Maroc », qui a remporté plusieurs prix. Et le G.I.Anillamiento est très actif a travers toute l’Espagne, et ses travaux et ses avis font autorité. d’ailleurs, nos « oiseaulogues » espagnols étaient venus ici, munis de matériels et d’autorisation de capture d’oiseaux, afin de les baguer pour étudier les itinéraires de leurs migrations.

Et chose extraordinaire, nous f»mes accueillis, du haut du ciel, par un immense faucon pèlerin qui faisait route vers le nord. Tous les oiseaux étaient la, les cormorans, ailes grandes ouvertes pour se sécher, les hérons cendrés, sur une patte ou deux, les aigrettes, les bécasseaux, les spatules,des cigognes, des merveilleuses et si discrètes poules sultanes. Et tous les canards, le Tadorne casarca, au plumage d’un beau brun orangé, presque couleur cannelle,les colverts,les sarcelles, les macreuses noires ou brunes, et les foulques macroule, qui s’encanaillaient le long des roseaux, avec leur nez-bec aplati et rigoloAu moindre bruit, les voila courant sur l’eau pour s’envoler.ou se précipiter au milieu des joncs.Mais au dessus d’eux, tournoyaient, en toute majesté, un couple de busards de roseauxDe grands rapaces aux ailes géantes .Ah, ceux-la, vous n’avez pas intérêt a être une grenouilleIls vous goberaient sans pitié.

Et puis, il fallait voir les bécasseaux maubèche ou sanderling Avec un nom comme ça, on ne peut qu être attendri en les voyant courir si vite qu on croirait qu ils font du patinage artistique sur la vase. Quant au tournepierre, il a sa technique a lui pour se nourrir de petits vers ou de coquillages qui sont a profusion dans ces lagunes Et ces noms marrants : Le chevalier gambette,ou le chevalier bargette Ne parlons pas des courlis au long bec recourbé, pour mieux fouiller dans le sol. Ou les échasses, les avocettes, les huîtriers. Et les gravelots, de toutes catégories. Et les pluviers Les goélands, eux, avaient décidé d’occuper les bandes de terre entre les salines : ils étaient la, poitrine au vent, prêts a l’envolIls étaient tous la, les goélands cendrés, les goélands argentés Plus rare, les goéland d’Audouin et les mouettes, qui riaient, qui riaient les mouettes rieuses ! Les sternes, avec leur vol élégant, comme élastique. On les voit faire du surplace avant de piquer sur de petits poissons.

Et puis, sur les arbustes qui peuplent les abords des lagunes, on entendait des bergeronnettes, des pipits , tandis qu au dessus de nous tournaient des martinetset quelques hirondelles rustiquestiens ! Un pouillot siffleur qui passe a toute allurec’est dire si notre journée fut remplie, au ralenti pour ne pas effaroucher nos artistes, mais les explications de nos spécialistes nous remplissaient d’aise

Et le clou du spectacle, fut la pavane des flamands roses. Nous avions bifurqué en direction de Khemis Zemamra. La, un petit lacet, presque rose bonbon, nos flamands De quoi constituer un escadron. Toutes jumelles dehors, longues vues, télescopeset derrière nous, les gamins du douar voisin pour qui nous étions, nous, leur spectacle

Avec nos amis espagnols, nous avons donc mis au point une coopération pour échanger nos remarques, et surtout pour insister auprès des pouvoirs publics sur la nécessité de préserver de tels endroits uniques et merveilleux. Un véritable trésor. Pour Benito Marcos, le Président du G.I.Anillamiento ,d Espagne comme pour Jacques Franchimont , ou Mustapha Fareh, Président et Vice Président du Gomac, « de tels endroits sont des atout majeurs dans le développement du tourisme écologique, de plus en plus a la mode. Ces lagunes doivent être surveillées régulièrement afin que la pollution , par des pesticides agricoles ou tout autre agent chimique ne vienne pas perturber cet écosystème et détruire tout ce patrimoine Car il s’agit bien d’un Patrimoine protégé par des textes législatifs Mais sont-ils tous appliqués ? » font-ils remarquer . « Il faut lutter aussi contre le braconnage sauvage qui constitue un fléau majeur contre des espèces pourtant protégées. » Avec philosophie, l’un des participants a cette journée conclut : « Le jour où ces oiseaux disparaîtront, nous n’aurons plus notre place sur terre ».

Beaucoup avaient souhaité aller rendre visite aux fauconniers de la région de Zemamra, tout proches. Le temps manquait pour découvrir cette passion entretenue par d’ardents fauconniers qui perpétuent une tradition ancestrale en voulant encore plus ennoblir cet art de seigneur. Mais tout le monde a promis de revenir. Pour les lagunes. Et pour les fauconniers.

Michel Amengual
Eljadida.com

Auteur/autrice